L'oisiveté de la jeunesse prépare les tourments pour la vieillesse. [pv Shankar]

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a mésaventure de Minati hors des murs du palais lui semblait bien lointaine, à présent... et pour cause, elle commençait à le devenir. Et la princesse avait par ailleurs mistant de soin et d'énergie à occulter cette histoire et à la laisser derrière elle que ses souvenirs, basculés dans son inconscient, lui laisseraient presque entendre qu'elle n'avait jamais quitté sa belle et confortable cage dorée... de laquelle elle n'avait plus la moindre intention de repartir dorénavant.

Minati, loin d'avoir tiré les enseignements de ce qu'elle avait pu traverser, restait donc fidèle à elle-même. La gamine capricieuse, qui exigeait d'obtenir tout ce qu'elle désirait en un claquement de doigt était devenue plus exigeante encore. Elle avait beau avoir été confrontée à la misère, à la violence, et aux mœurs peu enviables de son peuple, elle n'avait pas pour autant appris l'humilité ou admis combien démesurées étaient ses privilèges en comparaison de ce que l'on accordait à d'autres. Oui, elle avait bien conscience d'être chanceuse, mais au lieu d'admettre cette chance et de vouloir changer les choses, elle ne manquait pas la moindre occasion de la savourer plus pleinement encore, se montrant certainement plus désagréable que d'ordinaire. Elle se sentait protégée et intouchable dans son cocon personnel, environnée de l'amour inconditionnel d'un père et plus strict, il est vrai, d'une mère. Et elle avait envie de penser, très sincèrement, que tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Oui, Minati semblait n'avoir tiré que bien peu de leçons et de profit des épreuves qu'elle avait subies, et dont d'autres seraient ressortis satisfaits et grandis, conscients du mal qui rongeait les hommes à quelques pas d'elle, volontaire pour y faire quoi que ce soit. Minati savait, mais ne voulait pas agir, à croire que, pour qu'un réel déclic sache s'opérer, il fallait avec elle s'y prendre d'une toute autre manière.

Elle, loin de songer aux malheurs rencontrés par les siens, ne pensait qu'au mariage prochain de Latika et de son sultan de père, et à la robe magnifique qui lui avait été promise pour l'occasion. Elle en avait plusieurs à essayer, à vrai dire, mais il n'était bien sûr pas question qu'elle le fasse seule. C'est pour cette raison qu'elle était partie à la recherche de Latika, mais alors qu'elle traversait les couloirs du palais à toute allure, ce fut un regard tout sauf familier qui croisa le sien. Un jeune homme - charmant au passage (mais il ne fallait pas grand-chose pour que la princesse trouve le sexe opposé charmant) - qu'elle n'avait jamais croisé jusqu'à présent. Elle ne dit rien et attendit qu'il lui présente ses hommages. C'était dans l'ordre des choses, après tout, non ?

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onjour ? Vraiment ? C'est tout ? Elle ne savait pas d'où il débarquait, celui-là, mais ce qui était sûr et certain, c'est qu'il avait négligé toutes les règles du protocole en chemin. Pas de courbette, pas de formule de politesse, pas de révérence, il s'était adressé à elle comme si elle n'était jamais qu'une vulgaire servante, et de toute évidence, c'était à ses yeux un manque de respect. Elle était partagée entre l'agacement et la curiosité. Une chance pour Shankar, sa jeunesse (apparente, du moins) faisait qu'elle l'invitait plutôt à pencher du côté de la curiosité, raison pour laquelle elle choisit de le sermonner, oui, mais tout en lui laissant une chance tout de même de lui apprendre qui il était exactement.

-Ce n'est pas ainsi qu'il est convenable de s'adresser à sa princesse.

Elle donnait le ton, il ne pourrait dorénavant plus ignorer qui elle était, quel était son rang, et quelle forme de respect il se devait d'afficher à son égard. Et pour qu'il ne le sache pas, il ne devait pas être d'ici. Elle songea à Clifford, à son épisode en dehors des murs du château, aux personnes qu'elle avait rencontrées là-bas... Elle avait l'intuition que la place de cet homme ne devrait absolument pas être au château, et elle se devait de rester sur le qui-vive. A tout moment, elle envisageait d'appeler les gardes afin qu'ils la débarrassent de l'opportun. Au moindre mouvement suspect dans sa direction, elle irait directement dénoncer son comportement à son sultan de père. Elle le toisa un instant, n'hésitant pas une seule seconde à le dévisager. Elle pouvait se le permettre, ça allait déjà beaucoup mieux.

-Qui êtes vous ? Et qu'est-ce que vous venez faire ici ?

Poser la question, ce n'était pas avoir l'assurance que son interlocuteur lui donnerait la réponse qu'elle attendait. Elle ne pouvait pas se permettre de le croire sur parole. Minati savait très bien ce qu'elle avait fait des informations qu'il lui donnerait, mais elle avait décidé, à ses risques et périls, de lui laisser le bénéfice du doute, et quoi qu'il en soit, elle n'y reviendrait tout simplement pas. Les bras croisés, elle le considéra avec son autorité toute princière. Elle ne voulait certainement pas se laisser intimider.

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inati n'était pas certaine de vouloir excuser le comportement de son interlocuteur sous l'unique prétexte qu'il ne l'avait pas reconnue. S'il se trouvait actuellement au palais, il devrait être au fait du protocole, et il venait d'y déroger d'une façon qui lui paraissait aussi délibérée qu'effrontée. Il devrait s'être informé au préalable, ou en tout cas reconnaître la princesse, la première née du sultan, qui plus est (elle y tenait), à ses attributs princiers. Mais elle était trop curieuse pour refuser de l'écouter.

Elle continuait de vouloir savoir ce qu'il faisait là exactement, et elle ne serait satisfaite qu'au moment de l'entendre décliner son identité et de savoir ce qu'il faisait là, exactement... En espérant ne pas être déçue de la réponse... Encore que... comment pourrait-elle ne pas être déçue ? Elle ne savait même pas ce qu'elle attendait de lui exactement. Pourtant, il parvint à articuler l'une des rares réponses qui était susceptible de lui sauver la peau. Sans que Minati elle-même ne l'ait soupçonné avant qu'il ne décline son identité.

Déjà, même s'il n'avait pas immédiatement compris qu'elle était la princesse, il sut deviner son nom (d'autres en auraient été capable en prenant compte de son âge, mais tout de même, c'était un bon point). Déjà, cela abaissait certaines barrières. Mais quand il lui apprit être le frère de Latika, Minati se détendit immédiatement.

-C'est donc vous, dit-elle en l'observant attentivement, pour lui déceler des points communs avec sa soeur. Latika m'a beaucoup parlé de vous et de vos frères. J'étais impatiente de faire votre connaissance. C'était honnête. Dès l'instant où Latika lui avait appris avoir trois frères, l'imagination de Minati avait filé à toute allure. Latika lui avait promis de les présenter un jour, et de toute évidence, le moment était venu, même si Latika ne l'avait pas planifié. D'ailleurs, elle lui en voulait un peu pour ça. Je regrette en revanche que Latika ne m'ait pas prévenue de votre venue. Que venez-vous faire ici ?

Voir sa soeur, certes, mais ils pouvaient bien se voir en dehors du palais, c'était d'ailleurs plus conventionnel et acceptable ainsi. Alors elle se demandait s'il n'y avait pas autre chose. Peut-être un rapport direct avec le mariage, dont la date avançait à grand pas ?

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hankar savait très précisément comment parler à Minati et comment la flatter. Elle aimait les compliments, et elle n'était certainement pas insensible à ceux d'un charmant jeune homme qui lui assurait qu'elle était encore plus belle que le tableau qu'on lui avait dressé d'elle. La princesse se questionnait beaucoup sur son potentiel d'attraction, elle était de plus en plus intéressée par le sexe opposé, bref, ses hormones la travaillaient. Donc quand un jeune homme qu'elle trouvait charmant lui affirmait qu'il la trouvait belle, elle était incapable de ne pas se sentir flattée et de ne pas se laisser complètement amadouer.

Si elle savait y faire pour mener les autres à la baguette - enfin, son père surtout -, elle ne se rendait pas compte d'à quel point elle était elle-même manipulable. Pourtant, la trahison de Gorav aurait dû lui servir de leçon, mais non... elle ne voyait par exemple rien au double jeu de Latika, et de même elle était à mille lieue de se douter des réelles intentions de son interlocuteur, dont elle buvait les paroles avec une naïveté toute adolescente, sans la moindre idée de ce qu'il avait vraiment en tête, et des projets qu'il ourdissait.

-Je comprends, répondit-elle, sans remettre en question l'excuse de son interlocuteur, pas même une seule seconde. Si vous voulez bien rester avec moi, nous pourrions trouver Latika ensemble ? suggéra-t-elle, qui espérait saisir là une occasion de passer un peu plus de temps en compagnie du frère de Latika. Une fois encore, elle devrait se méfier bien davantage, mais ce n'était pas le cas. Au contraire, elle avait complètement mordu à l'hameçon. Joyeux anniversaire, au fait, ajouta-t-elle. Même si j'ai un peu d'avance, si j'ai bien compris. Quel âge cela vous fera-t-il, d'ailleurs ?

Un comble pour Minati, qui avait tendance à ne s'intéresser qu'à elle-même, elle trouvait un intérêt sincère à entendre parler de la vie de ce jeune homme. Et elle se disait que ce serait aussi l'occasion d'en apprendre plus sur Latika, qui lui avait certes déjà parlé de ses frères mais ne s'était jamais totalement épanchée sur la question non plus. Pour une fois, mais peut-être pas pour longtemps, Minati acceptait de ne pas être au coeur de la conversation. Qui sait combien de temps ça durerait.

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a princesse sourit en acceptant le bras que Shankar lui proposa. Elle était si facile à berner que c'en était ridicule, et si son père devait les croiser au détour d'un couloir du palais, sans doute accuserait-elle des remontrances dignes de ce nom pour son manque de défiance, surtout après ce qui lui était arrivé. Mais en cet instant, Minati ne songeait pas franchement à son père. Elle aimait simplement l'idée de se retrouver en aimable compagnie, et considérait qu'il n'y avait aucun mal à cela. Après tout, Latika lui avait suffisamment parlé de ses frères pour qu'elle sache que le jeune homme ne s'était pas inventé cette identité. Il était galant, poli, avenant, et ça ne lui déplaisait pas. A ses yeux, tout ceci restait bien innocent. Mais agréable malgré tout.

Il lui apprit son âge. Il avait donc vingt ans. Vingt ans... Ce n'était pas beaucoup plus âgé que son âge à elle, après tout. Bon, il était assez évident, et en quelques mots seulement, que les deux faisaient preuve d'une maturité bien différente, mais Minati songeait qu'en ce qui concernait ce jeune homme qui n'était que de trois ans son aîné, en tout cas le pensait-elle, un compliment lié à sa beauté pouvait être adressé avec plus de sincérité que ne le feraient d'autres. Certes, elle ne pouvait non plus oublier qu'elle était une princesse, et qu'il était par conséquent obligatoire de s'adresser à elle avec déférence, et si possible en des termes élogieux, mais ce n'était pas un mal de se laisser prendre à un jeu tout simple, qui de toute manière ne durerait que jusqu'au moment où le frère et la soeur se seraient retrouvés (même si Minati espérait que Latika et lui l'autoriseraient à rester un peu dans leur sillage le temps de leur conversation).

-Et que faites-vous dans la vie, dites-moi, Shankar ? Latika ne m'en a rien dit.

Toutes les questions qu'elle se posait au sujet de ce jeune homme, elle avait bien l'intention de les formuler directement. Son statut lui conférait un aplomb certain. Elle ne redoutait pas de faire preuve d'indiscrétion, et estimait qu'on se devait de lui répondre, peu importe les questions qu'elle pouvait bien choisir de poser.

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e jeune homme lui apprit qu'il était donc vendeur d'étoffes. Il n'aurait pas pu trouver meilleur mensonge, car la jeune femme, toute coquette qu'elle était, ne pouvait qu'avoir les yeux brillants à l'idée de profiter de son statut de princesse (qui avait considéré de longue date que ce dit statut lui permettait d'obtenir ce qu'elle voulait comme elle le voulait du moment qu'elle l'exigeait) pour exiger du jeune homme qu'il lui revienne, la prochaine fois, avec une sélection de robes et de saris dans lesquels elle pourrait piocher à foison.

Alors, évidemment, elle avait l'intention de faire un commentaire à ce sujet, mais le frère de Latika prit les devant en affirmant se sentir vexé d'entendre que sa soeur lui avait si peu parlé de lui. Elle était prête à le contredire directement. C'est vrai qu'elle n'était pas entré dans le détail, en revanche, il avait été absolument évident, les quelques fois où elle avait évoqué ses trois frères, que Latika leur vouait une sincère admiration et une estime plus grande encore. Mais une fois de plus, elle n'eut guère le temps de le brosser dans le sens du poil qu'il s'en chargeait de son côté. Elle devait bien l'avouer, elle bénéficierait de la présence de Shankar au quotidien, il savait très exactement quels mots prononcer pour la faire se sentir unique et merveilleuse. En l'occurrence, ce compliment était loin de la laisser insensible : elle était fascinante, lui disait-il. Mais il n'empêche... elle avait bien envie de partir plus encore à la chasse aux compliments, puisque la chose était engagée.

-Vous êtes bien le premier à utiliser un tel mot pour me décrire. Je m'estime plutôt commune, à vrai dire, dit-elle dans l'espoir d'être contredite. Votre soeur, elle, en revanche, est la définition même de fascinante. Elle marqua une légère pause. Pensez-vous que vous pourriez revenir au palais avec quelques-uns des articles que vous vendez ? J'adorerais les essayer, ajouta-t-elle aussitôt afin que l'idée ne lui sorte pas de la tête.

Même si, en réalité, elle était tout de même bien plus intéressée par ce que son interlocuteur pouvait éventuelle trouver de fascinant chez elle que par n'importe quoi d'autres. Et si certaines seraient sans doute embarrassées que l'on chante leurs louanges trop longtemps, ce n'était définitivement pas le cas de Minati. Bien au contraire, la jeune femme y prendrait le plus grand plaisir.

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inati buvait la moindre des paroles que pouvait lui adresser son interlocuteur avec un plaisir certain. Alors oui, il la flattait, et une part d'elle pouvait certainement reconnaître que ce n'était que pure flagornerie, parce qu'il était préférable de se mettre la royauté dans la poche, mais quelle importance, au fond ? Cet homme, qu'elle trouvait au demeurant tout à fait charmant, la couvrait de compliments ? Comment pourrait-elle ne pas prendre plaisir à les entendre ? Ce serait mal la connaître que de s'imaginer qu'elle y demeurerait indifférente, ou encore qu'elle ne serait pas de nature à en demander d'avantage. C'était ainsi, la princesse était capricieuse, et surtout exigeante, la jeune femme ne se contentait jamais de ce qu'on lui donnait, elle en demandait toujours plus, et pour cause, quand elle en demandait plus, elle était bien souvent exaucée... difficile, par conséquent, de tirer sur cette corde... jusqu'à ce qu'elle cède ? Jusqu'ici ce n'était jamais arrivé, même si elle avait pu afficher des signes de fragilité de temps à autre tout de même.

Elle était loin d'être commune, disait-il. Ce qui pouvait vouloir tout et rien dire, mais qu'elle aimait entendre comme le plus sincère des compliments. Et en effet, bien sûr qu'elle n'était pas commune ! Comment pourrait-elle l'être, en même temps ? Elle était une princesse, rien que ça, et même si elle ne rivalisait certainement pas avec la beauté de Latika, elle pensait avoir ses charmes. Et l'avantage, dans cette circonstance, c'est que Latika ne pouvait pas lui faire d'ombre, puisque Shankar était son frère.

-Eh bien laissez-moi en être le seul juge, choisit d'insister Minati, qui toute intéressée pouvait-elle être par les robes et étoffes qu'il vendait (et encore, elle se doutait du coup qu'ils ne seraient pas suffisamment luxueux pour elle, et elle le comprenait parfaitement), était surtout intéressée par le jeune homme qui les vendait. Et si elle pouvait trouver le prétexte de le revoir, même si c'était pour rien, même si c'était juste pour recevoir d'autres compliments, elle ne disait pas non. J'insiste. Vous ne pouvez rien me refuser, après tout.

Sur ce point, elle estimait que c'était vrai. Toute superficielle qu'elle était, elle pouvait éventuellement le faire oublier, mais le fait est que Minati avait du pouvoir. Un vrai problème.

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inati était habituée à entendre "oui" pour réponse. Il y en avait pour se dérober, parfois, il y en avait pour vouloir tourner autour du pot, mais quand elle exigeait, elle n'attendait que d'être exaucée, et si elle ne l'était pas, elle le vivait très mal, son père et sa mère pouvaient en attester. Mais eux, au moins, avaient sur elle cette influence qui justifiait qu'elle obéisse ou qu'elle cède, même si c'était à contrecœur, même si elle devait sérieusement faire la gueule quand ça arrivait.

Dans le cas de Shankar, la question ne se posait pas : elle était la princesse, il se devait de lui obéir. Elle était capable de lui faire subir le pire pour trois fois rien. Il suffirait qu'elle affirme au sultan qu'il avait eu quelques propos un peu déplacés pour que la jeune femme décide de son sort. Mais elle ne voulait pas en arriver là. Elle appréciait la compagnie du frère de Latika. En fait, elle appréciait surtout l'intérêt qu'il lui portait, et quand il lui cédait et lui assurait qu'il prenait plaisir à passer du temps avec elle, forcément, elle ne savait qu'apprécier le compliment.

-Très bien, je fixerai tout ça avec Latika, je suis sûre qu'elle sera ravie de nous voir si bien nous entendre, assura Minati avec un franc sourire. Et sinon, en dehors de votre travail, que faites-vous ? Un jeune homme comme vous doit avoir une vie palpitante, et quantité de maîtresses, je me trompe ?

Elle était aussi subtile que ne le serait un éléphant tout juste débarqué dans une boutique d'objets précieux, mais peu importe, elle pouvait se permettre sa franchise sans détour. Même s'il n'était question ici que de se laisser flatter et d'apprécier une compagnie masculine qui lui était bien trop souvent refusée... Les hommes qu'elle côtoyait dans son cercle privé étaient soit des serviteurs inintéressants et sans envergure (à l'exception de Gorav, mais c'était encore un autre débat), soit ses frères. Autant dire qu'on faisait nettement mieux et qu'elle était toujours avide d'un peu d'exotisme, même si ce ne devait être que le temps d'une brève conversation qui, évidemment, toucherait trop rapidement à son terme.

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inati ne devait pas prendre la réponse de son interlocuteur pour une affirmation certaine, après tout, Shankar pouvait bien décider de lui servir le discours qu'il estimait le plus susceptible de lui plaire, ni plus ni moins, et ça ne la dérangeait pas outre mesure. D'autant que si elle voulait vraiment en savoir plus sur la vie de ce jeune homme, elle était convaincue qu'il lui suffisait de poser la question à Latika, et que cette dernière serait tout à fait ravie de lui répondre sans détour à ce sujet. Et même... ce n'était pas si important.

Il n'y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette question. Si l'homme affirmait qu'il avait eu très peu de conquête, alors il passait pour un romantique, qui donnait son coeur et son corps avec vigilance, et ne cédait pas à ses seules pulsions... Mais s'il affirmait qu'il en avait beaucoup, eh bien il passait pour un homme d'expérience, qui avait connu nombre de femmes dans sa vie et pourtant prenait le temps de s'intéresser à elle. Avoir de nombreuses conquêtes n'était pas quelque chose de déshonorant, pas aux yeux de Minati. Sans doute parce qu'elle avait été habituée à voir son père entourée d'épouse, elle estimait naturel qu'un homme puissant, intéressant et charismatique aient de nombreuses femmes à ses pieds. Ce n'était pas honteux ou terrible, c'était très naturel et un signe de pouvoir et d'influence.

Certes, elle était une princesse, et il avait tout intérêt par conséquent à s'intéresser à elle. Mais quand on avait trop peu d'occasions de se laisser flatter par le sexe opposé, alors on saisissait ces opportunités où on les pouvait, tout simplement.

-Je saurais difficilement vous croire sur parole, n'ayant que peu d'éléments de comparaison. J'ai malheureusement fort peu d'occasions de parler à d'autres hommes. Mon père devient fou pour peu que l'un d'eux m'approche. Vous l'ignoriez peut-être mais vous prenez de grands risques à me parler ainsi seul à seule.

Mais pour sa part, elle ne donnait pas l'impression de prendre tout ceci très au sérieux. Ceci dit, elle croyait sans mal que si le sultan avait vent de cette discussion très précise, il serait loin, très loin d'être enchanté. D'autant plus si elle devait découvrir que Shankar était le frère de Latika.

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a dernière chose que la princesse voulait entendre en ce qui concernait les très rares restrictions que lui imposait son père (car oui, il y en avait tout de même, même si elles n'étaient pas bien nombreuses), c'était qu'il puisse avoir raison de lui imposer les restrictions en question. Surtout que, quoi que son géniteur puisse en dire, elle continuait d'estimer stupide de croire qu'elle allait vraiment passer toute sa vie sans voir aucun homme. Plus il l'empêchait d'approcher le sexe opposé, plus ce dernier la rendait curieuse et alimentait ses fantasmes, alors qu'il n'en serait peut-être rien si elle était entourée d'hommes au quotidien.

Encore que rien n'était moins sûr, bien évidemment, mais quand bien même, donc, elle y penserait tout de même, puisque c'était de son âge, pourquoi empêcher quelque chose qui était de son âge ? Est-ce que son père s'attendait à ce qu'elle demeure éternellement hors de portée de tous. Ce n'était pas son intention, à elle. Bien au contraire, elle était fermement décidé à accorder toute l'attention que voudraient bien lui accorder d'éventuels prétendants. Tant qu'à faire, son père avait plutôt intérêt à veiller à ce que les prétendants en question soient dignes de son rang et de son sang.

Bon, Shankar se rattrapa bien, en affirmant qu'une si jolie princesse ne devait pas être livrée à la concupiscence du sexe opposé. Mais Minati voulait croire qu'elle était tout à fait capable de se défendre et de défendre ses intérêts par elle-même. Bon, ses récentes expériences ne donnaient pas franchement beaucoup de crédit à cette affirmation dont elle était pourtant particulièrement fière, mais passons. Ceci dit, elle se sentit un peu plus vexée quand son interlocuteur reprit la parole.

-Pour qui me prenez-vous ? Quel intérêt aurais-je à parler de cette conversation à mon père ?

Déjà qu'il serait bien capable de réduire ses mouvements au sein du palais pour s'assurer qu'elle ne croise pas la route des mauvaises personnes, ce n'était certainement pas pour commencer à lui apprendre qu'elle faisait la conversation avec des hommes quand il avait le dos tourné, elle aussi passerait un sale quart d'heure si cela devait se savoir, elle n'avait aucun intérêt à le lui apprendre. Elle avait son jardin secret, et au plus loin son père s'en approchait, au mieux c'était.

-Par ailleurs, vous n'avez été ni discourtois, ni déplacé à mon encontre. Je doute fort que vous ayez cherché à me séduire.

En fait si, elle avait un léger doute, et c'était dans l'espoir que son interlocuteur lui prouve le contraire qu'elle se permettait de prononcer ces mots.

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e jeune homme savait définitivement trouver les bons mots pour lui parler, mais il est vrai que ce n'était pas chose réellement difficile. Minati n'était sortie qu'une fois de sa cage dorée, et l'expérience avait été particulièrement malheureuse, elle était une personne particulièrement naïve, et qui avait besoin qu'on brosse très régulièrement son estime dans le sens du poil. Elle avait besoin de s'entendre dire qu'elle était une personne importante, elle avait besoin de plaire et d'attirer l'attention, c'était presque de l'ordre de la nécessité, pour elle.

Certes, c'était une chose que son père ne manquait jamais de lui faire comprendre, bien sûr, qu'elle était quelqu'un d'important. Mais même si elle avait terriblement besoin de l'affection et de la reconnaissance de son père, du haut de ses seize ans, ce n'était plus exactement ce qu'elle recherchait, ou du moins elle recherchait d'autres choses en parallèle, et ça, son interlocuteur l'avait parfaitement compris et ne manquait pas le moins du monde de savoir en jouer, définitivement pas.

-Je n'en suis pas si certaine, répondit-elle quand son interlocuteur affirma que tout homme voudrait lui plaire. Peu d'hommes s'y sont essayés, et ceux qui le désireraient s'attireraient malheureusement les foudres de mon père.

Mais elle, en ce qui la concernait, aimait se découvrir de la sorte un potentiel de séduction qu'elle pensait hors de sa portée. Elle était franchement heureuse, oui, juste de sentir qu'elle plaisait. Elle n'en attendait pas franchement plus. Elle n'était même pas certaine de courir après les grandes romances échevelées qu'on lisait dans les livres (même si ça ne lui déplairait pas d'en vivre une, évidemment), elle voulait juste se sentir femme au regard d'autrui, et elle avait par trop tendance à avoir le sentiment qu'on la considérait comme une enfant, une enfant et rien d'autre.

-Ainsi donc vous cherchez à me séduire ? Si telle était votre intention, je suis tentée de vous encourager à poursuivre - mon père n'en saura rien, je puis vous l'assurer. Croyez-le ou non, je n'ai jamais été courtisée dans les règles de l'art, je voudrais savoir ce que cela fait.

Sans que cela ait forcément des conséquences ou des répercussions, juste pour le plaisir, son bon plaisir. Et par caprice, il faut bien le dire. En même temps, Minati était la reine des caprices.

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ous ne gagnez pas des points en prenant la défense de mon père, vous savez ? répondit Minati avec malice.

Il n'y avait rien de plus déplaisant à ses yeux que d'entendre un homme qu'elle trouvait séduisante prononcer des paroles qui elles l'étaient si peu : et pour cause, elle entendait la voix de son sultan de père s'exprimer à travers les lèvres de Shankar, et ce n'était pas spécialement une chose qu'elle appréciait ou qu'elle trouvait particulièrement agréable, elle devait le reconnaître.

Bien sûr, elle savait que son père était soucieux d'elle et de son bien-être, et peut-être était-ce le cas de son interlocuteur, mais elle trouvait assez facile que de se réfugier derrière l'excuse que la plupart des hommes seraient malavisés et malintentionnés. Compte tenu du fait que c'étaient majoritairement des hommes qui lui tenaient un tel discours, elle avait tendance à trouver cela franchement ironique, pour ne pas dire foncièrement hypocrite.

Ceci dit, elle pouvait aisément lui pardonner cet écart s'il daignait ne serait-ce que faire mine de la courtiser à présent. La princesse était assez curieuse de savoir quels trésors de courtoisie et de compliments il serait capable de déployer dans l'intention de la séduire et de la convaincre. Elle espérait bien qu'il en ferait l'effort... il faut dire qu'il n'était pas dans la nature de Minati d'accepter de ne pas être exaucée quand elle souhaitait quelque chose. Bien évidemment, elle avait la ferme intention d'entendre Shankar se résoudre à la satisfaire... Elle demandait, on s'exécutait... Surtout si l'on redoutait une autre forme d'exécution, bien moins agréable.

-Eh bien, quand avez-vous l'intention de commencer ? Je ne vous demande pas votre assentiment, je vous demander de me courtiser. Alors courtisez-moi, répète-t-elle, avec le sentiment que pour l'heure, son interlocuteur n'en a définitivement pas fait assez.

Certes, il lui a dit grandement apprécier sa compagnie, mais des âmes plus pures et moins intéressées auront déjà pu lui servir le même discours, et ce qu'elle veut, elle, c'est de ces discours à rallonge que l'on se doit d'offrir en bonne et due forme à toute princesse qui en fait la demande expresse, comme c'est, en l'occurrence, son cas.

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-I

l est une différence entre le fait de défier mon père et conter ses louanges quand cela contredit les griefs que j'ai à son égard et que je me permets d'articuler en votre présence car vous m'inspirez une confiance dont vous devriez vous sentir honoré, remarqua du tac au tac Minati.

Bien sûr que Minati ne tenait pas vraiment à ce que l'on défie ou l'on offense son père. Elle serait en réalité la première à s'insurger si cela devait être le cas. Son père, elle l'aimait par dessus tout, même si elle le montrait bien mal, surtout dans ces périodes où il refusait de céder à tous ses caprices, ce qui n'était clairement pas la meilleure des choses. Alors oui, elle n'avait, en fait, pas envie que son père arrive sur le tapis du tout dans cette conversation. Elle considérait que ce dernier n'y avait pas sa place. La très exigeante Minati tenait à ce que les choses ne tournent qu'autour d'elle-même et de personne d'autre.

Et c'était pour cette raison qu'elle tenait à présent à ce que son interlocuteur la courtise en bonne et due forme. Il était trop rare qu'un homme puisse l'approcher suffisamment pour qu'elle puisse en recueillir de tels, plus rare encore qu'un de ces hommes en question s'intéresse véritablement à elle. Etait-ce le cas de celui-ci ? Elle n'en savait rien, bien évidemment, mais elle était néanmoins curieuse, et elle tenait quoi qu'il en soit à en apprendre et à en savoir davantage, ne serait-ce que sur ses intentions, serait forcément un bon début. Puis même si ce n'était pas destiné à aboutir dans tous les cas, Minati aimait entendre des compliments, c'était une des choses qu'elle préférait au monde.

Shankar affirma qu'il était plutôt intimidé, ce qui eut le don de doucement faire sourire la princesse. Mais elle ne se laisserait pas arrêter pour autant. Il était normal d'être intimidé devant sa princesse, le contraire aurait été à peine acceptable. Il loua sa beauté, celle qui la rendit si incertaine, mais sans entrer dans les détails de ce qui la rendait belle plus spécifiquement, de même pour sa personnalité. Naturellement, Minati voulait plus.

-Et comment est-elle, selon vous, ma personnalité ?

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