Les liens du sang sont impénétrables. (Shankar)

Latika passait son temps au palais du sultan, pour une bonne raison, elle devait faire en sorte d'avoir le plus d'influence sur lui. Et ça marchait bien, clairement, puisque les préparatifs du mariage avançaient bien. Trop bien peut être, mais en même temps la jeune femme – pas si jeune que ça – ne pouvait pas du tout reculer. Elle savait bien que ce mariage allait lui ouvrir encore plus de porte. Bien sûr, elle n'avait pas besoin de ça pour se retrouver dans le lit du sultan et lui susurrer quelques conseils à l'oreille. Mais elle savait quand même qu'elle allait avoir plus de poids si elle était la femme du sultan. Cela dit, Latika se préparait à ce mariage, mais elle se disait aussi que avec un peu de chance, il n'allait pas avoir lieux. Pour la simple et bonne raison qu'une nouvelle guerre serait en place. Est-ce que c'était vraiment une bonne chose ? Peut être pas non, mais en même temps il fallait bien ce qu'il fallait pour récupérer ce qu'on leur avait volé. Et il ne fallait pas croire qu'elle faisait confiance à Nathaniel, mais c'était la meilleure chance qu'elle avait de retrouver leur trésor.

Cela dit, même si elle devait passer du temps au palais auprès du sultan, elle appréciait de pouvoir partir dans le but de retrouver sa demeure, celle qu'elle partageait avec ses frère. Mais dans laquelle la jeune femme ne passait plus autant de temps que cela. Alors qu'elle aimerait justement pouvoir passer plus de temps auprès de ses frères, même si la situation était quand même un peu plus complexe depuis toute cette histoire, depuis toute ces années donc. Même si le temps ne s'était pas affiché sur leur visage, et elle savait maintenant pourquoi, du moins le pensait-elle, le temps était quand même passé et pendant de nombreuses années, ses frères lui en avaient voulu à juste titre. Elle ne pouvait pas leur reprocher de lui en vouloir, elle s'en voulait aussi de son côté. Et c'était bien pour cela qu'elle tentait de se rattraper, en épousant le sultan notamment.

Latika arriva donc chez eux, ne sachant pas vraiment si elle allait croiser la route de ses frères, mais elle ne se retint pas de pousser un soupir de soulagement une fois la porte refermée derrière elle. Elle leva alors son regard et constata que son plus jeune frère était présent.

« Tu es tout seul ?  » Lui Demanda-t-elle ne sachant pas réellement ce qu'elle avait envie d'entendre. Elle aimait autant tous ses frères, mais elle ne pouvait pas nier le fait qu'elle n'avait pas réellement la même relation avec les trois. Surtout avec son aîné, qui avait bien plus de mal à accepter ce qu'elle avait fait, à lui pardonner.

Bon, d’accord, sa question était sans doute idiote. Il était vrai que Latika ne voyait personne autour de Shankar et donc, ça signifiait qu’il était seul. Mais en même temps, elle se demandait aussi si l’un de leurs frères se trouvait dans le coin, s’il allait bientôt rentrer. Dans tous les cas, ça ne changerait sans doute pas grand-chose à la situation, mais en même temps ça serait quand même une bonne chose qu’elle le sache. Juste histoire de… eh bien, de se préparer. Parce que sa relation avec ses frères était quand même un peu particulière. Quoi qu’il y en avait des plus agréables que d’autres…

Latika poussa un soupir à la réflexion de son frère, n’appréciant que peu la boutade qu’il lui lança. Même si, forcément, elle avait un peu l’habitude de son caractère. Ça faisait des années après tout qu’elle le pratiquait et il n’avait pas manqué d’être un peu virulent quand il avait été question de lui faire remarquer qu’elle avait bien merdé avec Nathaniel. Alors qu’elle n’avait pas eu besoin qu’on le lui rappel. Elle s’en voulait suffisamment d’avoir permis à Nathaniel de voler le trésor, elle s’en voulait aussi de ce qui était arrivé par la suite. Et en prime, elle avait eu le cœur brisé quand même. Même si, ça, bizarrement ses frères avaient visiblement tendance à l’oublier.

« Bonjour ami imaginaire de Shankar, j’espère que tu arrives à le supporter, parce que ce n’est pas une tâche facile. » Lança Latika, dirigeant volontairement son regard vers le vide à côté de son frère. L’amusant de la famille, c’était Shankar, Latika était loin d’être du genre à lancer des boutades à longueur de temps. Mais quand il était question de son frère, elle tentait de se débrouiller. « Je n’ai plus le droit de venir voir comment vont mes frères maintenant ? » Demanda-t-il, non sans une petite pointe d’agacement dans la voix.

D’accord, Latika savait bien qu’elle ne devait pas le prendre comme ça, mais elle ne pouvait pas nier ne pas avoir spécialement apprécié l’accueille de Shankar. Alors qu’au fond, on ne pouvait pas dire qu’elle avait mieux fait non plus de son côté. C’était juste toujours un peu délicat depuis… depuis ce qui était arrivé. Et même si elle tentait de se racheter, de réparer son erreur, Latika avait constamment le sentiment qu’on lui rappelait qu’elle s’était faite avoir. Alors que oui, clairement, elle regrettait et elle souffrait encore de ce qui s’était passé.

Ce n’était pas pour rien que la « jeune » femme gardait bien pour elle le fait qu’elle avait revu Nathaniel depuis, qu’elle avait passé un marché avec lui. Elle savait qu’aucun de ses frères ne le comprendrait. Elle-même ne le comprenait pas réellement, ce n’était pas qu’elle était retombée dans ses bras, loin de là, mais elle se permettait de chercher de nouvelle solution pour réparer son erreur. En espérant ne pas en faire plus.

Latika leva les yeux au ciel en entendant la réponse de son frère, alors qu’il affirmait que son ami imaginaire se trouvait de l’autre côté et que maintenant, il était vexé par ses propos. Non, mais sérieusement… Shankar était adorable, vraiment, Latika l’aimait de tout son être, mais en même temps c’était quelque peu frustrant par instant de l’entendre lui répondre de cette manière. Même, si bon… Latika l’avait quelque peu cherché tout de même.

En tout cas, elle avait quand même envie d’espérer avoir une conversation un peu sérieuse avec son frère, parce que mine de rien, elle apprécierait quand même de pouvoir discuter posément avec lui et prendre des nouvelles de ses frères. De Shankar bien entendu, mais des autres également. Forcément, depuis qu’elle était la fiancée du sultan, et même quand elle n’était que sa maîtresse à la base, la « jeune » femme se  devait quand même de passer le plus de temps possible au palais pour que sa place ne soit pas remise en cause, quand bien même il y avait peu de chance que le sultan décide finalement de ne plus l’épouser tant il était sous son charme. Alors, puisqu’elle passait plus de temps au palais, elle passait moins de temps avec ses frères (ce qui était une bonne chose vis-à-vis du fait qu’elle avait quand même revue Nathaniel et que c’était quelque chose qu’il ne fallait absolument pas qu’ils découvrent) et il lui manquait. Bon, Shankar ne manquait pas de lui casser un peu les pieds, qu’ils ne manquaient pas de lui en vouloir encore et toujours pour ce qu’elle avait fait (et elle ne pouvait pas réellement le lui reprocher), mais ça n’enlevait pas le fait qu’ils lui manquaient atrocement. Alors si elle pouvait parvenir à avoir un peu de leurs nouvelles, ça serait quand même une bonne chose, une très bonne chose même.

« En effet, tu n’es absolument pas en droit d’interdire quoi que ce soit à la future épouse du sultan. » Répliqua Latika, sans aucune forme de modestie. Bon, en réalité, la situation était évidemment différents vis-à-vis de ses frères, elle ne pouvait pas réellement les empêcher de lui donner leur avis, de leur donner même des ordres pour certain, mais elle se permettait de répondre de la même manière que son petit frère. « Bon… » Dit-elle dans un soupir, en reprenant quand même son sérieux parce qu’il le fallait un peu. « Comment tu vas ? »

Shankar lui donnait le sentiment d’aller bien et c’était une très bonne chose, mais en même temps il pouvait aussi cacher plein de chose derrière son humeur joyeuse et ses boutades. Elle avait besoin de s’assurer qu’il allait bien donc, même si elle ne pouvait pas être sûre qu’il allait lui dire la vérité non plus.

Shankar lui affirma qu’il allait aussi bien que possible. Du moins l’imaginait-il. Latika ne supportait pas cette réponse. Elle savait bien qu’elle ne pouvait pas en vouloir à son frère de lui répondre de la sorte, qu’au contraire elle devrait être heureuse de l’entendre lui dire qu’il allait bien, mais il y avait toujours un tranchant. Il allait aussi bien que possible, autant dire qu’il ne pouvait pas aller très bien, mais dans son malheur il se trouvait plutôt en haut, plus qu’en bas donc. Latika savait bien que ses frères ne vivaient pas tout ça facilement, elle-même ne le vivait vraiment pas bien, qu’ils lui en voulaient toujours autant pour ce qu’elle avait fait et elle-même s’en voulait énormément pour avoir été une idiote à l’époque. Mais elle avait quand même envie qu’ils aillent bien, au moins ça. Qu’ils ne soient pas forcément si heureux que ça, ce n’était pas un souci, on ne pouvait pas non plus dire qu’ils avaient eu une vie de rêve toute leurs vies. Mais ils faisaient avec, ils s’en sortaient avec ce qu’ils avaient. Latika avait juste envie qu’ils soient un peu heureux… mais sans doute que ça n’arriverait jamais plus maintenant.

Pas tant qu’elle n’aura pas arrangeait pleinement la situation, qu’elle n’aurait pas ramené ce qu’on leur avait volé, qu’ils puissent retrouver leurs rôles de gardiens. Enfin, ce n’était pas pour demain malheureusement. Shankar lui retourna la question, en lui demandant comment avançaient les préparatifs. Au fond, Latika devait bien reconnaître qu’elle n’avait pas spécialement envie de parler du sultan, de son futur mariage, avec son frère. Elle avait envie de pouvoir retrouver juste un moment normal auprès de sa famille. Elle aimerait bien qu’ils se retrouvent tous, qu’ils profitent d’un instant normal, qu’ils profitent l’un de l’autre. Sauf que c’était sans doute beaucoup trop demandé au final. Au palais, on la voyait comme la future femme du sultan – la belle future femme du sultan quand même –, on lui parlait constamment de ça, des préparatifs, mais elle… elle avait juste envie de parler de tout et de rien avec ses frères (en évitant quelques sujets graves évidemment… comme Nathaniel par exemple).

« Ça se passe bien. Ça avance très rapidement, je pense que ça ne va plus trop tarder… » Latika ne put s’empêcher de parler d’une manière un peu plus sombre. Elle jouait la comédie à longueur de temps quand elle se trouvait au palais et même en dehors. Elle passait son temps à faire en sorte d’être la femme forte qu’elle était aujourd’hui. Parce qu’elle tenait à rattraper ses erreurs, à réparer ce qu’elle avait commis. Mais avec ses frères, elle avait juste envie d’être elle-même. Une femme prête à tout pour arriver à ses fins, en espérant que ses frères allaient lui pardonner, mais ne désirant pas plus que cela d’épouser le sultan. Elle ne sautait pas de joie à l’idée de devenir sa femme, elle le faisait parce qu’elle considérait que c’était la meilleure façon pour elle de parvenir à ses fins.

Latika n’était pas en train de sauter de joie en affirmant à son frère que le mariage allait avoir lieu rapidement. Pour la simple et bonne raison qu’elle ne sautait pas de joie à l’approche de ce mariage. La « jeune » femme devait prétendre à longueur de temps qu’elle avait hâte de devenir la femme du sultan, elle devait à longueur de temps prétendre qu’elle était une femme heureuse. Mais même si elle savait que ce mariage était la seule solution pour arranger les choses et surtout pour se racheter, elle ne sautait pas de joie. Et pour une fois, elle pouvait le montrer, elle pouvait être elle-même.

Elle ne sautait pas de joie, elle n’était pas la femme la plus heureuse du monde devenir la femme légitime du sultan plutôt que sa maitresse. Mais elle devait le faire, ça ne pouvait que lui permettre d’avoir encore plus de pouvoir. Elle en avait déjà en tant que maitresse, mais ce n’était pas suffisant pour tout ce qu’elle avait à faire. Visiblement, son frère remarqua qu’elle n’était pas une femme si heureuse, parce qu’il lui demanda si elle était sûre d’elle.

Latika fut un peu étonnée de sa question, mais en même temps un peu touchée. Elle n’était pas toujours certaine de ce que ses frères pensaient d’elle, de s’ils continuaient à lui en vouloir. Elle savait que c’était le cas, mais elle appréciait quand même que Shankar fasse preuve d’un peu de délicatesse à son encontre.

« Je n’ai pas le choix. » Dit-elle avec fermeté. Elle n’avait pas l’intention de laisser montrer le moindre doute. Elle savait que c’était ce qu’elle devait faire pour se racheter, qu’elle n’avait pas d’autres choix. La jeune femme devait faire en sorte de réparer son erreur et elle n’aurait tout simplement pas d’autres solutions pour le faire. « Je fais ce que j’ai à faire. »

Et elle ne reculerait pas. Elle ne voulait pas que son frère se dise qu’elle allait le faire, qu’elle allait renoncer. C’était la façon qu’elle avait trouvé de se racheter et de faire en sorte d’arranger un peu la situation, même si pour cela elle devait se sacrifier en somme. Mais en même temps, ce n’était pas cher payé après ce qu’elle avait fait et la trahison dont elle s’était rendue coupable. Elle s’était faite avoir en beauté à l’époque, ce n’était qu’un petit prix à payer. La vie de luxe avait ses attraits, mais elle ne faisait évidemment pas tout ça pour ça. La seule chose qui comptait, c’était le pouvoir et l’homme qui le détenait.

Latika se doutait très bien que son frère ne serait pas forcément convaincu par ses paroles, mais en même temps elle n’avait pas l’intention de changer d’avis pour autant. Elle avait conscience que ses frères ne sautaient pas de joie à l’idée qu’elle épouse le sultan, mais ils lui avaient tellement fait comprendre qu’elle avait merdé que… eh bien, il était important pour elle de se racheter. Son frère lui affirma qu’elle avait le choix, mais que tant qu’elle était sûre d’elle… elle faisait comme bon lui semblait. Elle ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel en entendant les paroles de son frère. Elle trouvait cette remarque particulièrement… condescendante.

Ce n’était peut-être pas le cas, mais il était évident que toute la famille lui reprochait ce qu’elle voulait. Ce qu’elle comprenait, Latika se reprochait à elle-même d’avoir merdé, de ne pas avoir su ouvrir les yeux plus tôt sur Nathaniel. Alors, non, elle n’avait pas le choix, elle devait se racheter parce que c’était ce qu’il fallait faire après la bourde qu’elle avait faite… elle n’avait pas le choix, elle n’avait vraiment pas le choix.

« Et en quoi j’ai le choix dis-moi ? » Demanda-t-elle à son frère.

Latika avait pour habitude de se montrer sûre d’elle, mais c’était toujours différent avec sa famille. Shankar la connaissait mieux que personne, elle savait qui était la vraie Latika, elle n’avait pas besoin de jouer le rôle qu’elle jouait à longueur de temps et elle pouvait… plus facilement lui montrer ses failles. Elle n’était pas si sûre d’elle, elle ne sautait clairement pas de joie à épouser le sultan et elle ne prenait pas spécialement plaisir à lui… faire plaisir. Mais elle faisait ce qu’il fallait pour changer les choses, pour que la situation soit différente, pour tenter de se rattraper. Elle ne pouvait pas faire autrement. À moins qu’elle arrive à récupérer leur héritage, mais elle ne devrait pas compter sur ça, surtout quand il était question de Nathaniel qu’il valait mieux que ses frères ignorent le retour. Ça lui donnait envie de vomir de devoir se forcer à faire tout ça, mais elle devait le faire. Elle n’était pas sûre d’elle, mais elle était sûre qu’elle devait faire quelque chose et qu’il n’y avait pas d’autres solutions.