On ne doit contredire ni son père ni son roi. (Edgar)

Nathan avait souvent l'occasion de se rendre au palais de Féerie, puisqu'il y avait ses connaissances, ses amis… et parce qu'il faisait partie de la haute société et ça depuis toujours, bien avant que l'actuel roi ne se trouve sur le trône. Bien avant que quiconque puisse s'imaginer que Edgar allait prendre le trône. Cela dit ce n'était pas parce qu'il y avait sa place qu'il prenait toujours du plaisir à s'y rendre. Oh forcément, il était question de son domaine, de son lieu de vie depuis toujours, mais en même temps, il y avait certain moment où prendre sur lui était de plus en plus difficile.

Depuis qu'il avait croisé cette fille, Nathan ne pouvait pas s'empêcher de penser à elle. Elle était tellement la copie parfaite de son épouse, ça ne pouvait pas être une coïncidence, c'était forcément pour quelque chose. Son esprit quelque peu dérangé en tout cas ne manquait pas de lui faire croire qu'il y avait bien une raison au fait que la jeune femme ressemblait trait pour trait à son épouse. Et forcément, Nathan ne pouvait pas s'empêcher de penser à elle, elle ne quittait pas son esprit une seule seconde et il avait juste envie de recroiser son chemin, de la revoir et… bref, de l'avoir à ses côtés.

Passer du temps dans le château n'était donc pas en soit une corvée, mais il n'avait clairement pas la tête à ça. Et comment l'avoir quand il avait croisé la femme qui ressemblait autant à son épouse, ou encore qu'il avait croisé sa… eh bien, sa fille donc. Tout cela semblait fait parti d'un passé bien lointain, mais ce n'était pas comme si c'était une surprise que Nathan vivait dans le passé. Il n'aurait cependant jamais cru recroiser Bertille, ce qui rendait la situation quelque peu délicate. Parce que Bertille était officiellement la fille du souverain, sa première héritière quand bien même son frère passait au dessus. Devoir venir ici et se retrouver de nouveau en compagnie du roi, ça ne manquait pas d'être quelque peu perturbant même si Nathan devait faire comme si de rien n'était. Il n'avait rien contre la politique du gouvernement dont il ignorait beaucoup, il n'avait fin contre le roi en lui même, c'était évidemment l'homme, le père, le mari. Et dans tous les cas, si Edgar devait apprendre qu'il était le véritable père de Bertille, il était évident que ça n'irait pas pour lui. Mais Nathan devait faire comme si de rien n'était, quelque chose dont il avait quand même l'art et la manière depuis de nombreuses années maintenant.

« Votre majesté.  » Salua-t-il Edgar quand il se retrouva devant l'homme.  « Comment vous portez vous ?  » Demanda-t-il, en ne se soucient pas tellement de la réponse.

Mais il se devait de faire bonne figure. C'était son rôle et il avait conscience que Edgar pouvait très bien en un claquement de doigt tout détruire. Hors ce n'était évidemment pas le moment, le jeune homme ne laisserait personne l'empêcher de faire ce qu'il avait à faire.

Nathan afficha un sourire quand son interlocuteur affirma qu’il allait parfaitement bien. En réalité, le jeune homme n’en avait que faire de comment Edgar allait, de s’il se portait bien ou non, ce n’était pas quelque chose qui l’intéressait vraiment. Mais en même temps, il ne pouvait pas croiser le souverain de Féerie et ne pas prendre la peine de lui demander comment il allait, cela était un peu… les convenances. Nathan appartenait à la haute société du royaume, mais il restait inférieur à cet homme, à qui il était censé montrer tout le respect qu’il lui devait. Il n’en ressentait pas, mais il jouait la comédie. Quand bien même, il ne pensait pas que Edgar soit réellement du genre à gober ses comédies. Mais il fallait quand même qu’il joue le jeu, il n’avait pas le choix.

L’homme allait bien donc, il lui remerciait de cette question. Le souverain de Féerie ne lui retourna pas la question, ce qui ne le dérangeait pas vraiment. Il se serait contenté de répondre qu’il allait bien. Ce n’était pas faux, mais même s’il n’allait pas bien, c’était évident que Nathan ne prendrait pas de se pencher sur ses soucis avec le souverain de Féerie. Il ne le faisait avec personne dans tous les cas, mais en même temps c’était évident que cet homme serait la dernière personne avec qui il parlerait de quoi que ce soit. S’il abordait la conversation présentement, c’était juste par convenance.

« J’avais des choses à régler ici. » Répondit-il, en ne prenant pas réellement la peine de se montrer précis. Il devrait, mais il ne le faisait pas. Le jeune homme devait bien avouer que l’idée de piquer un peu le roi était tentant. Quand bien même c’était jouer à un jeu un peu dangereux. « J’en ai profité pour rendre visite à votre épouse. » Ajouta-t-il, l’air de rien.

Oh, c’était dangereux, mais Nathan se contentait simplement de dire la vérité. Il s’entendait bien avec Aurore, il avait le don de bien s’entendre avec les épouses de Edgar. Évidemment, cela n’avait rien à voir avec la mère de Bertille, il n’avait aucun attrait de ce genre pour Aurore. Il l’appréciait, mais ça n’allait pas aussi loin. En même temps, comment se pourrait-il alors que son esprit et son corps tout entier avait semble-t-il trouvé la perle rare… mais que celle-ci lui était encore inaccessible. En tout cas, Edgar n’avait aucune raison de se méfier de lui concernant Aurore, ce qui n’était pas le cas de sa précédente épouse bien sûr. À choisir, Nathan n’avait aucune envie que Edgar décide de s’en prendre à lui bien sûr, il n’avait aucune envie qu’il découvre précisément ce qui était arrivé ou en tout cas qu’il était celui avec qui son épouse l’avait trompé quand il partait souvent de l’autre côté de l’océan. Mais il ne pouvait pas s’empêcher quand même de jouer avec le feu.

Nathan ne put s’empêcher de se dire qu’il avait effectivement piqué le roi au vif, et il devait bien reconnaître que ça lui plaisait énormément. L’homme se retint d’afficher un sourire satisfait en entendant la manière dont Edgar lui répondit, sur un ton sec et autoritaire. Edgar avait la position la plus avantageuse par rapport à lui, il était le roi tout simplement et autant dire qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’il décide de le faire tomber. Mais en même temps, Nathan ne lui avait jamais donné de preuve concrète pour qu’il le fasse tomber. Est-ce qu’il se doutait de ce qui était arrivé entre lui et Esther ? Peut-être. Est-ce qu’il en avait la preuve ? Si c’était le cas, cela ferait longtemps que Nathan serait tomber. Alors, il considérait que non. Et il avait bien l’intention de profiter de ce léger avantage pour piquer au vif son souverain qu’il ne portait pas dans son cœur.

En soit, la politique de Edgar ne l’avait jamais dérangé, le souci était l’homme en lui-même. Et le fait qu’il avait eu une affection particulière pour son épouse, au point d’être le père de la princesse à la place du roi. Princesse ensuite disparu, dans des circonstances bien étranges. Nathan n’était pas bien placé pour juger les autres, il avait plus d’un squelette dans ses placards, mais ça ne voulait pas dire qu’il pourrait apprécier son interlocuteur pour des aspects tout à fait personnelle qui n’avait rien à voir avec sa manière de gérer le royaume. Edgar ne manqua pas de lui rappeler que tout ce qui se passait dans son royaume, et plus spécifiquement dans les murs de son château, le concernait. Mais bien sûr. Ça arrangeait quand même bien Nathan que personne ne s’attarde trop sur ses affaires plus privées.

« Mais bien sûr mon seigneur. » Répondit-il dans un sourire faussement agrément, appuyant un peu sur sa manière de le qualifier. Une personne en dehors de toute cette histoire pourrait croire qu’il faisait simplement preuve d’un très grand respect pour Edgar, mais Nathan savait que l’homme ne serait pas dupe et c’était le but. Comme Nathan avait bien conscience que le roi ne cherchait pas à connaître ses affaires dans le seul but de se tenir au courant de ce qui se passait dans son royaume, il y avait un aspect bien plus privé dans sa demande. « Mes affaires sont nombreuses comme toujours, et elles demandent que j’entretiennes de bonnes relations avec mes compères. Nous sommes vos sujets et il est important que nous nous serrions les coudes pour les moments les plus difficiles de notre histoire, que nous nous tenions prêt au cas où… la situation puisse dégénérer. » Il disait cela, il ne disait rien en même temps, il n’avait pas l’intention de se montrer plus précis. À moins que… « Et… malheureusement, je n’ai pas eu la chance d’avoir d’héritier, la vie ne m’a pas offert la chance d’avoir des enfants. » Ça… oui, il le disait volontaire. « Et nous savons bien que nous ne sommes pas éternelles en ce bas monde. Il me faudra préparer la vie après ma disparition. »

Nathan afficha un sourire en entendant le roi affirmer qu’il n’avait fait que parler pour ne rien dire et que c’était quelque chose qu’il détestait. Au fond, l’homme se demandait s’il y avait quelque chose en ce bas monde que Edgar ne détestait pas, tant il donnait le sentiment de tout détester justement. Enfin, le concernant, il était particulièrement que quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, le souverain n’apprécierait pas. Et ça l’amusait, il n’allait pas le nier, il en jouait très clairement, quand bien même il était sans doute dangereux de trop jouer avec le feu. Edgar restait dans tous les cas le roi, capable de prendre des décisions contre lui s’il le souhaitait, comme lui interdire l’accès à la cour. Nathan n’avait pas l’intention de se laisser trop toucher par les paroles et menaces de son interlocuteur, se disant que c’était justement plus des menaces que des actes… mais en même temps, il savait qu’il ne devait pas les prendre à la légère. Nathan pouvait fanfaronner, mais si l’homme décidait de lui couper l’accès à la cour, ça n’allait pas du tout arranger ses affaires. Il comptait un peu sur le fait qu’il s’entendait bien avec la reine, cela dit il savait bien que ce n’était pas suffisant… ça se saurait si Edgar était réellement capable de se préoccuper de ce que ses proches pensaient.

Nathan ne doutait pas une seule seconde que Edgar se passerait très bien de sa présence, de ses relations… l’homme l’avait quelque peu cherché, mais forcément les paroles du souverain n’avaient rien d’agréables à entendre. Ce n’était pas faute d’avoir eu envie d’une vraie descendante et c’est très clairement ce qui serait arrivé si le destin lui avait laissé le temps de le faire. Alors il n’était pas sans descendance bien sûr, mais cette situation était quand même plus complexe que ça.

« Sauf votre respect mon seigneur, mais il me semble qu’on peut parfaitement fonder une famille et ne manquer à quiconque également. »

Nathan n’avait très clairement pas envie de finir « il ne savait où », quand Edgar considérait qu’une personne était de trop dans ce monde et qu’il s’en débarrassait pour éviter de l’avoir dans les pâtes. Alors, sans doute qu’il devrait se contenter de mettre court à cette conversation mais… non, il ne le ferait pas, il prenait un risque mais en même temps il se disait qu’il n’avait pas forcément grand-chose à perdre non plus. Enfin, pas officiellement.

« Loin de moi l’idée de vous dicter comment… gouverner votre royaume. » Mais il le faisait évidemment. « Mais il me semble évident que les relations ne sont pas à prendre à la légère. Surtout quand vos sujets semblent de… plus en plus inquiet de la situation. Sans que nous sachions réellement ce qu’il se passe, il semblerait que… l’atmosphère soit particulièrement tendue en ce moment. »

Et que Edgar était encore plus tendu que d’habitude d’ailleurs. Il l’était toujours quand ils se parlaient, mais pour le coup Nathan le trouvait encore plus sur les nerfs, bien pl

Sans grande surprise, Edgar n’apprécia pas spécialement les propos de Nathan. En même temps, l’homme devait bien avouer qu’il n’avait pas vraiment prit la peine de lui adresser ces mots dans le but de lui faire plaisir, bien au contraire. Edgar en tout cas ne semblait pas prendre au sérieux cette histoire tension, grand bien lui fasse sans doute, Nathan n’allait pas s’amuser à insister. Mais de ce qu’il ressentait quand même, il se passait quelque chose, rien n’était aussi rose qu’avant. Nathan était bien placé pour savoir que les apparences jouaient énormément et sans doute que son souverain n’avait pas l’intention de le montrer, mais Nathan se doutait quand même qu’il se tramait quelque chose. Ils ne s’entendaient pas, et ça depuis toujours, mais Nathan le trouvait quand même sacrément grognon, plus que d’habitude.

« Oh ne vous en faites pas, j’ai parfaitement conscience des privilèges que vous m’accordez mon seigneur. »

Le but de Nathan n’était évidemment pas de se mettre Edgar à dos au point que ce dernier ait l’intention d’agir contre lui. Même s’il pouvait y avoir un côté un peu amusant à le titiller, à le chercher, il n’avait pas l’intention de se retrouver le bec dans l’eau à perdre tous ces avantages. C’était qu’il avait quand même un train de vie qui lui plaisait, avec ses quelques petites habitudes, il n’avait pas spécialement envie de changer ça.

« Loin de moi l’idée de vous prendre pour un idiot Seigneur. » Reprit-il. Il sentait bien que Edgar était quand même sur la corde raide, mais il ne pouvait pas s’empêcher de répondre de cette manière. Bien sûr qu’il lui était arrivé plusieurs fois de prendre le roi pour un idiot, et qu’il avait très clairement agit dans son dos bien des années avant. Mais ce n’était pas le cas aujourd’hui. « Comme je vous l’ai déjà dit, je suis venue ici concernant mes affaires globales. J’ai de nombreux amis qui vivent ici au sein même de votre château, et j’apprécie de passer du temps en leur compagnie. J’apprécie simplement de passer du temps en compagnie d’autres personnes. Il n’y a rien de plus à savoir. »

Sans doute que sa réponse n’allait pas plaire plus au souverain de Féerie, mais il était parfaitement honnête. Même s’il aimait s’amuser un peu de Edgar, il n’y avait définitivement rien de plus à dire concernant sa présence en ces lieux, sans doute au grand désespoir du roi qui devait penser qu’il mijotait forcément quelque chose dans son dos. Ce n’était pas le cas, même s’il ne portait pas Edgar dans son cœur, il n’avait rien contre sa politique et sa façon de gérer le royaume, il y trouvait quand même sacrément son compte.

« Vous êtes sûr que tout va bien ? Vous me semblez particulièrement tendu aujourd’hui. »

Vraiment, il ne pouvait pas s’en empêcher.