L'oisiveté de la jeunesse prépare les tourments pour la vieillesse. [pv Shankar]

M

inati n'avait pas toujours été aussi défiante. Et pour cause, avant son excursion dans le monde extérieur, elle avait eu trop tendance à croire qu'elle devait avoir le monde à ses pieds et que tout lui était dû. Elle n'avait pas besoin de se méfier de qui que ce soit, car on se devait, quoi qu'il en soit, d'être à son service. Mais depuis l'incident, oui, elle n'adressait pas sa confiance à la légère, et quand Shankar se disait honoré de lui inspirer confiance, la princesse, naïve en dépit de ses sombres expériences, voulait le croire sur parole, sans remettre son discours en question, même une seule seconde.

Elle ne répondit rien à ce sujet et attendit que Shankar réponde à sa question suivante. Elle partait à la pêche aux compliments, clairement, et elle n'était pas déçue du voyage, loin de là. Au contraire, même. Etait-elle une femme forte et affirmée ? Elle pouvait s'affirmer, elle avait le bagage social pour ça, et elle avait été habituée à ce qu'on la regarde d'en bas. Pour ce qui était d'être forte... C'était autre chose. Minati n'était probablement pas si forte, mais Minati aimait croire que c'était vrai. Surtout, elle aimait considérer les choses ainsi.

Oui, elle disait ce qu'elle pensait, ça aussi, elle le pouvait sans hésitation, car elle était mue par le sentiment que tout ce qu'elle pouvait avoir à dire était tout naturellement intéressant. Bien sûr, c'était totalement faux. Non, ce qu'elle avait à dire était loin d'être aussi captivant que ce qu'elle pouvait affirmer. Elle aimait être perçue ainsi. Elle avait réclamé des compliments, et elle n'était clairement pas déçue du voyage.

-En effet, vous ne me connaissez pas tout à fait. Elle lui adressa un sourire ravi. Il faudrait que vous passiez beaucoup plus de temps en ma compagnie pour que ce soit le cas.

Le sous-entendu était définitivement clair, du moins dans son esprit. Elle était ravie de savoir son interlocuteur si intéressé. Elle voulait qu'il ne cesse jamais de l'être. Et elle ne voulait pas que leur conversation soit la dernière, vraiment.

-Que comptez-vous faire ensuite ? Une fois que vous aurez quitté le palais ? Avez-vous l'intention de revenir me voir ?

code by Mandy

M

inati était bien trop naïve. C'est sans nul doute ce que lui dirait son père s'il devait assister, même de loin, à cette conversation. Elle se laissait totalement embobiner par son interlocuteur, et sans y réfléchir à deux fois. C'était clairement absurde et idiot de sa part, mais il fallait la comprendre. Aucun autre jeune homme ne s'était jamais à ce point intéressé à elle... ou du moins n'en avait donné l'impression. C'était bien la première fois, de toute son existence, qu'un représentant de la gent masculine paraissait lui trouver de l'intérêt. Certes, il y avait bien ces quelques courtisans qui n'en avaient qu'après son titre de princesse mais... Shankar, le temps d'une conversation, avait donné à l'adolescente le sentiment d'être une femme... et s'il devait décider de ne jamais revenir... elle aurait du mal à ne pas se sentir malheureuse, bafouée, trahie... elle aurait forcément le sentiment, quelque part, qu'on se sera joué d'elle.

-Ne manquez pas à votre parole, qui sait ce qui pourrait vous arriver si vous preniez ce risque, suggéra-t-elle d'un ton taquin, mais où affleurait, en réalité, l'ombre d'une menace qui en l'occurrence était ce qu'il y a de plus réelle. Je suis une princesse, rappelez-vous, on ne trahit pas sa parole envers une princesse sans en payer les conséquences.

Son ton était léger, mais sa menace était des plus sincères. Minati était une jeune fille capricieuse, qui estimait que tout lui était dû, mais surtout qui avait été élevée et éduquée dans ce sens. Difficile de lui faire entendre, par conséquent, autre chose que ce qu'elle-même prenait plaisir à écouter... et rien ne plaisait davantage à Minati que le son de sa propre voix. Même si la voix de son interlocuteur ne lui était pas déplaisante non plus, loin de là.

-Je ne vous retiens pas plus longtemps, ajouta-t-elle à contrecoeur. Je le voudrais, mais mieux vaut que vous profitiez que personne ne vous ai vu pour filer en douce. Les choses pourraient très mal finir pour vous dans le cas contraire, suggéra-t-elle d'une voix si douce que l'on pouvait se demander si elle était sérieuse, une fois de plus. Mais non, son discours était sincère, ce qu'il y a de plus sincère. Et il valait mieux le prendre au pied de la lettre.

code by Mandy