Qui fait ce que son père n'a pas fait verra ce que son père n'a pas vu. (papa d'amour <3)

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a maison était vide, elle l'était presque tout le temps. Il était le seul à s'acharner, à vouloir y passer le plus de temps possible, quand tous autour de lui, y compris ses voisins villageois, voulaient lui rappeler et le convaincre qu'il n'avait plus sa place ici. Oui, il pouvait passer tout le temps qu'il désirait au château, sur l'invitation du roi, il pouvait vivre dans le luxe et l'opulence, c'est une certitude. Un luxe et une opulence que tout le monde lui enviait quand bien même il les échangerait sans hésiter pour retrouver sa vie d'avant... C'était pour ça, qu'il s'acharnait à demeurer dans sa maison. Parce que s'y concentraient une multitude de souvenirs auxquels il ne se sentait pas encore prêt à renoncer, même s'ils étaient quelque part faussés. Certains d'entre eux n'étaient sans doute pas même réels, d'ailleurs, même si Gwendall ne l'acceptait pas encore. Il voyait ses filles, juste après leur naissance, reposer tranquillement dans leur berceau, le sourire radieux sur le visage d'Abygaëlle. Les trois soeurs, Anna, Eleonore et Victoria (même si son cas était bien évidemment particulier), qui jouaient au chat perché dans le jardin. Toutes ces conversations animées autour d'un bon repas... Oui, ça lui manquait, mais espérer un retour de ce bon vieux temps n'avait pas le moindre sens. Et il le savait, il s'était fait une raison. Il ne vivrait plus jamais la même idylle auprès de son épouse, Anna ne purrait pas être sauvée de la cruauté du roi, Eleonore resterait peut-être toujours une fugitive. Ainsi la vie semblait-elle être faite. Alors qu'il était installé chez lui, se satisfaisant de la maigre collation qu'il s'était préparée en guise de repas, il entendit toquer à la porte.

Comme à chaque fois que l'on frappait chez lui dernièrement, il se sentit envahi de frissons. Chaque fois, il craignait d'avoir affaire à l'un des émissaires du roi qui lui ferait payer la trahison commise pour être entré en contact avec Eleonore sans avoir prévenu quiconque. Oh, il était prêt à l'assumer, il ne regrettait pas ses actes, mais comment pourrait-il aider au mieux la jeune femme s'il se retrouvait à son tour aux prises avec la justice royale ? Il ouvrit donc la porte avec une certaine angoisse. Qui disparut aussitôt qu'il découvrit sa fille de l'autre côté de la porte. Eleonore était là, juste face à elle, et se précipita dans ses bras. Gwendall resserra aussitôt cette étreinte. Sa fille lui manquait, il avait constamment peur pour elle. La savoir ici, c'était au-delà de tout ce qu'il avait espéré. Après l'avoir serré contre lui quelques instants, il referma la porte derrière eux, non sans vérifier au passage que personne ne les avait vus. Visiblement, c'était le cas.

-Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-il, souriant, ne dissimulant pas la joie qu'il avait de la revoir.

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wendall ne put s'empêcher de se sentir satisfait et soulagé à la fois d'entendre qu'Eleonore était venu le voir pour ce qui était à ses yeux la meilleure raison du monde : parce qu'il avait eu envie de le voir, tout simplement. Elle aurait très bien pu le voir pour lui demander un service, de quoi manger, ou que savait-il encore, ou bien pour lui rappeler la suggestion de Nathaniel lors de leur dernière conversation. Mais non, elle avait juste eu envie de passer du temps auprès de son vieux père, et Gwendall décidait de trouver ça encourageant. Ca voulait dire qu'elle ne lui tenait pas rigueur de tout ce qu'elle avait découvert récemment, non ? Ca voulait dire qu'elle lui adressait son affection sans barrière, pas vrai ? C'est ce qu'il décidait de percevoir de la situation, et il appréciait de découvrir tant d'affection chez sa fille, lui qui ne savait taire sa peur de la perdre, de la voir lui échapper. Elle avait besoin de prendre un peu l'air, de se tenir à l'écart de ses préoccupations habituelle, elle avait besoin de repères familiers et du soutien de sa famille (enfin de ce qu'elle acceptait encore dans sa famille, ce qui semblait malheureusement se résumer plus ou moins à lui), Gwendall ne demandait qu'à lui accorder tout cela. C'était encore trop peu au vu de ce qu'elle endurait, mais puisqu'elle acceptait qu'il lui adresse même un semblant de soutien, il n'allait certainement pas dire non. Bien au contraire, il comptait bien sauter sur l'occasion. Et en profiter au passage qu'elle serait toujours la bienvenue et lui toujours présent pour elle.

-Tu as bien fait de venir ici, confirma-t-il, surtout pour la conforter dans ses choix, dans l'espoir de faire taire toute éventuelle hésitation qu'elle aurait pu éprouver vis-à-vis de sa venue, et elle avait certainement dû en éprouver, car en venant ici, quelque part, et même si il osait croie qu'elle savait n'avoir rien à craindre de lui, elle était en terrain ennemi. Comment tu vas ? Il craignait fort que la question trouve sa réponse dans la présence de la jeune femme en sa demeure. Si tout allait bien pour elle, Eleonore ne ressentirait sans doute pas le besoin de venir le voir, malheureusement, mais il voulait surtout s'assurer qu'il n'avait pas plus de raisons de s'inquiéter que d'ordinaire. Comment ça se passe avec...

Il ne savait pas trop comment finir sa phrase, en fin de compte. Les rebelles ? Les anciens prisonniers ? La vérité, c'est qu'il songeait surtout à Nathaniel, mais n'avait pas outre mesure envie de le nommer. Cet homme ne lui disait définitivement rien qui vaille. Et il n'avait pas la moindre envie qu'il précipite sa fille dans il ne savait quels plans déshonorants.

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ennui, c'est que quand Eleonore lui affirmait qu'elle allait bien, Gwendall était tout simplement incapable de la croire. En même temps, il était impossible qu'elle soit complètement heureuse et au meilleur de sa force alors qu'elle menait la vie qu'elle menait : celle d'une fugitive recherchée par les soldats du roi, celle d'un ennemi que l'on cherchait à faire taire, celle d'une jeune fille errante qui passait ses journées à aller de campement provisoire en campement provisoire sans pouvoir se nourrir à sa faim ni réellement se reposer... Il était évident qu'elle ne pouvait pas aller bien, mais Gwendall avait quand même envie de croire que si elle lui affirmait cela, c'est que tout n'allait pas trop mal non plus. Elle ne s'était pas blessée, le danger ne s'était pas renforcé autour d'elle, elle était toujours à même de mener ses objectifs, et elle avait la force de venir le voir... ce qui était très bien, car il comptait bien prendre soin d'elle dans le peu de laps de temps qu'on lui accordait pour le faire. Hors de question en tout cas qu'elle reparte d'ici le ventre vide et sans une abondance de provision. C'était le moins qu'il puisse faire, après tout, et c'était déjà trop peu.

Eleonore, tout de même, finit par lui apprendre qu'elle rencontrait quand même certains problèmes, quelques craintes : une de ses camarades d'infortune, une rebelle comme elle, avait disparu.Gwendall n'apprécia pas du tout d'entendre cela, d'autant que de toute évidence, Eleonore n'avait pas la moindre idée d'où elle pouvait bien se trouver, ce qui laissait présager le pire. Forcément, Gwendall ne pouvait se sentir serein. Il ne savait s'empêcher de se poser la question : sa fille ne serait-elle pas la prochaine à disparaître ? Il avait constamment peur de cela : qu'un jour elle n'ait plus l'occasion de frapper à sa porte, qu'un jour elle disparaisse de son champ de vision, de Féerie, tout simplement. Il ne supporterait pas d'avoir à faire le deuil d'une autre de ses filles... même si, oui, Victoria ne l'était pas vraiment, mais et alors ? Enfin, il valait mieux ne pas se montrer défaitiste. Il ne pensait pas que c'était ce que la jeune femme attendait de lui.

-Je peux peut-être me renseigner, suggéra-t-il, sur ce qui lui est arrivée ? Comment s'appelle ton ami ? A quoi elle ressemble ?

Gwendall connaissait certains des rebelles, mais il se doutait qu'il n'avait jamais dû rencontrer celle dont elle parlait, sans quoi Eleonore se serait sans doute contenté de lui donner son nom, ce qui aurait suffi à ce qu'il prenne la mesure de la situation. Dans tous les cas, s'il pouvait apporter son aide à Eleonore, il n'hésiterait pas un seul instant.

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wendall ne savait pas s'il saurait être du moindre secours vis-à-vis de sa fille, s'il saurait vraiment l'aider et pourrait lui apporter des pistes suffisantes pour l'aider à retrouver son ami, mais il comptait bien faire tout son possible dans tous les cas. C'était, à ses yeux, la moindre des choses, et il avait l'intention de s'y tenir. Il se sentait en règle générale impuissant face à la détresse d'Eleonore, incapable de vraiment l'aider comme il le faudrait. Il tentait de faire ce qu'il pouvait, à son échelle, mais c'était toujours si peu en comparaison de tous les tourments que la jeune femme devait pour sa part endurer. Il savait qu'il était très possible que, un jour ou l'autre, il arrive vraiment quelque chose de grave à la jeune femme (de plus grave encore que ce qui était déjà), et alors, il craignait fort de n'être que le spectateur impuissant de sa déchéance. Il voulait être plus que cela, continuer à tenir son rôle de père du mieux qu'il le pouvait. Mais ce n'était pas simple. C'était même une véritable épreuve, et il ne pouvait pour le moment que se contenter de faire du mieux qu'il pouvait avec le peu qu'il avait, en l'occurrence le signalement de cette jeune fille du nom de Daphnée.

Douze ans seulement... c'était terrible de se dire qu'à cet âge, déjà, cette petite avait tant enduré et que maintenant, elle était peut-être définitivement perdue... Bon, il n'y avait pas d'âge pour vivre de telles épreuves, ceci dit. Eleonore était bien trop jeune, elle aussi... comme Anna, par la force des choses. Victoria aussi, d'ailleurs, avait été beaucoup trop jeune... bref, plutôt que de se lamenter, il valait mieux se focaliser sur ce qu'il y avait peut-être à sauver dans cette jeunesse qui n'était peut-être pas, qui sait, totalement perdue encore. Il ne fallait pas partir défaitiste, même si les circonstances y encourageaient souvent. Ils avaient encore des chances de retrouver cette Daphnée, et saine et sauve, qui sait. En tout cas, Gwendall avait bien l'intention de laisser traîner ses yeux et ses oreilles partout, en quête du moindre indice. Il pouvait évoluer dans des sphères auxquelles Eleonore, elle, n'avait pas accès, d'une manière ou d'une autre, il se pourrait bien que ça leur soit utile.

-Ne dis pas ça..., dit doucement Gwendall, le coeur serré, quand Eleonore affirma qu'elle n'était pas capable de protéger qui que ce soit. C'est vrai que les faits semblaient lui donner raison, mais Gwendall refusait d'abonder dans son sens. Tu en fais plus pour protéger les personnes autour de toi que quiconque, tu peux être fière de toi pour ça, tu sais ? Il parvint à esquisser un léger sourire. On va la retrouver, j'en suis sûr.

Ou pas.

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leonore avait raison, bien évidemment, Gwendall n'avait absolument aucun moyen d'être sûr de ce qu'il avançait, d'autant qu'il y avait sans doute plus de chances de retrouver la jeune Daphnée morte que vive au regard de son affiliation et de ses choix. Entre le danger que représentait Edgar et les dangers naturels et magiques de la forêt, il y avait de quoi s'inquiéter de son sort. Mais Gwendall avait besoin d'y croire, il avait surtout besoin d'y croire parce qu'Eleonore elle-même en avait besoin. L'espoir était un sentiment essentiel. Tout comme le paysan avait caressé l'espoir de revoir sa fille, un espoir qui l'avait porté longuement, l'espoir de retrouver son amie aiderait sans doute la jeune femme. C'était même essentiel. Elle se retrouvait déjà dans une situation difficile et douloureuse, si elle n'avait plus rien à quoi se raccrocher, qui sait ce qui adviendrait d'elle... Même s'il sentait bien qu'il ne pouvait pas faire grand-chose à son échelle, il ferait toujours tout son possible pour rassurer et protéger sa fille. Même si ses efforts seraient peut-être vains. Et au vue de ce qu'elle ajouta ensuite, il ne pouvait que vouloir d'autant plus aider et rassurer sa fille, car il comprenait bien que toute cette histoire la plaçait face à une situation aussi épineuse qu'éprouvante, un souvenir qu'elle voulait enterrer mais qui remonterait toujours à la surface.

Gwendall se sentit frissonner quand il entendit Eleonore évoquer Victoria. Entendre parler de sa fille disparue (même si elle n'était techniquement pas sa fille et qu'il n'aurait pas dû s'y attacher) était toujours difficile, et il n'imaginait même pas ce qu'Eleonore avait dû ressentir quand elle s'était retrouvée confrontée au spectacle le plus traumatisant que l'on puisse imaginer. Elle n'avait pas seulement découvert que Victoria était morte, elle l'avait vue, elle avait vu son cadavre... Gwendall n'aurait jamais pu soutenir ce spectacle, mais Eleonore en était ressortie plus forte. Elle était capable d'une force de caractère incroyable, et qu'il admirait terriblement.

-Je comprends, répondit Gwendall d'une voix tremblante. Il avait envie de promettre que ça n'arriverait pas, mais dans le monde où ils vivaient, ils ne savaient que trop que c'était évidemment possible et plus que possible. Alors faute de pouvoir lui promettre qu'elle lui reviendrait en vie, il voulait au moins lui promettre de tout faire pour prévenir le pire, si le pire ne s'était pas déjà produit. Je t'aiderai à la chercher, quoi que je puisse faire, je le ferai.

Il ne laisserait aucune autre enfant mourir, même s'il ne connaissait pas cette fille, même si ça ne rattraperait pas son erreur vis-à-vis de Victoria.

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wendall avait beau promettre à Eleonore de l'aider à retrouver sa jeune amie, ce n'est pas pour autant qu'il y parviendrait. Ceci dit, il avait la ferme intention de faire tout ce qui était en son pouvoir. Si cela pouvait aider sa fille d'aller mieux faute d'aller bien, alors le jeu en valait la chandelle. Et puis, cette jeune fille était encore une enfant. Si vraiment, il était possible de faire quelque chose pour l'aider, alors c'était son devoir d'essayer. Dans tous les cas, la gratitude qu'elle lui manifesta alors valait bien tout l'or du monde. Il ne faisait pas tout cela, il ne disait pas ce qu'il disait pour être remercié, mais tout de même, c'était un fait, sentir de la tendresse et de la douceur dans l'attitude d'Eleonore, l'entendre faire preuve de reconnaissance et non de rancoeur, pouvoir la serrer dans ses bras, tout simplement, c'était absolument tout ce dont il avait besoin et tout ce dont il aurait toujours besoin également, il le savait pertinemment. Quand elle se serra dans ses bras, il resserra cette étreinte aussi fermement que possible. Il voudrait la retenir et l'empêcher de repartir.

Mais il savait que ce ne serait pas rendre service à la jeune fille que de lui demander de rester. Elle ne ferait pas long feu, ici... et cette pensée lui serrait le coeur. Il voudrait tant que cette étreinte puisse être un signe, un signe qui lui permettrait de réintégrer Eleonore dans leur famille. Mais non, c'était entièrement impossible. Il devait se contenter de pouvoir la voir ainsi, ponctuellement, tout en ne pouvait que constater que la situation ne s'arrangeait pas. A chaque fois qu'il la voyait, un nouveau problème s'ajouter aux autres, et il se demandait réellement de quelle manière les choses allaient finir. en tout cas, ce n'était pas encourageant. Et lui, lui... eh bien, il était si impuissant... Mais s'il pouvait, ne serait-ce qu'un peu lui apporter du réconfort, alors il se disait qu'il n'aurait pas tout perdu.

-Est-ce que ça te dirait... de boire et manger quelque chose, avant de repartir ?

Il n'avait aucune envie qu'elle s'en aille, et il était heureux qu'elle ne soit venu ici que dans le but de le voir. Ce n'est pas pour autant qu'il oubliait le fait que quelque puisse être le motif de sa visite, cette dernière ne pouvait être qu'en coup de vent malgré tout, il en avait forcément conscience. Alors, puisqu'il était capable de lui accorder un minimum de confort, de son côté, il voulait qu'elle en profite. Déjà qu'elle allait de toute évidence mal. Il faisait tout son possible pour l'aider, pour qu'elle aille bien, mais c'était tout de même difficile.

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wendall savait très bien qu'il n'était ni vraiment raisonnable, ni franchement prudent de proposer à sa fille de rester sous son toit plus longtemps. Même s'il n'y avait pas de raison pour que qui que ce soit les dérange ou les surprenne (quand bien même le paysan devenait doucement paranoïaque et se demandait parfois si les hommes d'Edgar ne le faisaient pas surveiller... ou même si l'ordre ne venait pas d'Abygaëlle elle-même), il ne put s'empêcher de jeter un oeil par les fenêtres alentours pour s'assurer qu'ils étaient bien seuls avant de tirer les rideauwx pour plus de sécurité. Il l'invita à table et lui servit tout ce qu'il avait dans ses placards.

Il se doutait que la jeune femme devait être affamée, et surtout qu'elle n'avait sans doute que peu d'occasions de goûter à tout ce qu'il lui avait proposé. Même si Gwendall essayait de demeurer au plus près de sa vie d'avant, il était quand même vrai que certaines choses avaient changé... notamment le fait que la famille n'avait plus besoin de faire la moindre économie pour se nourrir à sa faim. Parfois, Gwendall culpabilisait aussi à ce sujet (même s'il aimait l'idée que au moins sa femme et Anna puissent connaître l'abondance), mais en cet instant, puisque cela lui permettait d'accueillir très dignement Eleonore, il n'avait aucun regret à avoir... Si ce n'est celui d'avoir à se cacher pour voir sa propre fille, lui qui l'adorait pourtant plus que tout. Oui, ce n'était pas prudent, mais tant pis. Les moments qu'il pouvait partager avec sa fille étaient beaucoup trop rares pour qu'il tolère de passer à côté. A vrai dire, il n'était juste pas prêt à la voir repartir... s'il se pouvait qu'il soit prêt à un moment ou à un autre, ce dont on pouvait sincèrement et très naturellement douter. Alors, une fois installés, Eleonore lui demanda comment il allait. Une question en soi classique, et à laquelle il ne s'était pourtant pas du tout attendu, même une seule seconde.

-C'est... compliqué, répondit-il honnêtement. A presque tlous les autres, il était obligé de mentir, mais il n'avait aucune envie de mentir à Eleonore. Alors oui, elle serait peut-être plus rassurée en entendant qu'il allait bien, et il ne voulait pas donner le sentiment de se plaindre et encore moins que sa fille s'inquiète pour lui. Mais il ne pouvait pas faire comme si de rien n'était. Pas avec elle, pas alors que certaines vérités, devaient être dites. Et pas des moindres d'ailleurs. Tu me manques. Il hésita légèrement. Victoria me manque... Et je m'inquiète sans arrêt pour toi.

Et bien sûr, il ne cesserait jamais. C'était son rôle de père.

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wendall parvint à afficher une légère esquisse de sourire quand son interlocutrice lui dit de ne pas s'en faire. Si c'était si simple... Gwendall s'était toujours fait du mourron pour ses filles, toujours, et il n'avait pas attendu après tous ces drames pour en arriver là. Gwendall avait envie d'être le meilleur père possible, il avait échoué. Maintenant, il pouvait seulement espérer que ses filles sauraient être heureuses et en sécurité quoi qu'il en soit... Mais il ne réussissait pas à le penser réellement. Et quoi que puisse lui dire Eleonore, elle ne réussirait pas à étouffer ses craintes. Comment le pourrait-elle ? Gwendall était bien placé pour savoir que la jeune femme était en danger constamment, et que ça ne s'arrangerait jamais, quoi qu'il advienne. A moins... à moins qu'Edgar ne disparaisse, et dans ce cas, c'étaient Anna et son épouse qui seraient en danger, sans doute.

Il n'y avait pas de solution, aucune solution. Eleonore avait peut-être l'impression, à son échelle, de ne pas s'en sortir si mal. C'est vrai qu'elle pourrait être dans un état bien pire au regard de ce qu'elle vivait... mais justement, il fallait faire en sorte que la situation n'empire surtout pas. Il allait répondre quelque chose, quelque chose qui allait sûrement le faire passer comme le père capable seulement de sermonner, mais elle ne lui en laissa pas le temps, puisqu'elle ajouta alors une information à laquelle, très clairement, le paysan ne s'était pas le moins du monde attendu, pas une seule seconde, même. Elle était allée de l'autre côté de l'océan, vraiment ?

-Oh... ?

Cette information soulevait tellement de questions que Gwendall était incapable de savoir par laquelle commencer. Comment avait-elle fait ? Pourquoi y était-elle allée ? Qu'est-ce qu'elle avait fait là-bas ? Il repensait au retour exceptionnel de Geoffroy. Est-ce que c'était le groupe auquel elle appartenait à présent qui était à l'origine de l'abattement de la barrière ? Dans ce cas, elle ne pouvait clairement pas lui affirmer que les choses se passaient aussi bien qu'il le prétendait. Finalement, il se contenta d'une seule question, mais il avait envie de penser que cette question résumait en un seul mot tout ce qu'il cherchait à exprimer.

-Comment ?

Voilà, c'était aussi simple que ça, il ne pouvait pas mieux exprimer sa circonspection que de cette façon. Il se sentait vraiment perturbé par cette information. La possibilité même d'accéder à cet autre royaume soulevait déjà un nombre exceptionnel de questions et d'angoisses, et comprendre qu'une fois de plus sa fille était mêlée à tout cela n'aidait clairement en rien. Bien au contraire... Il avait envie d'interdire à Eleonore d'y retourner. Mais à quoi bon. Il n'avait plus aucune influence sur elle.

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ans les propos de sa fille, Gwendall distinguait des années de mensonge et de dissimulation, orchestrés certes par Edgar Basiel, mais approuvés par tout un peuple (lui compris), s'évaporer, se dissoudre en famille. Eleonore ne semblait plus rien ignorer de ce que l'on avait pris tant de soin à lui dissimuler, à elle comme à n'importe qui de sa génération, comme à tous les enfants d'après-guerre. Eleonore s'était rendue de l'autre côté du miroir, et le paysan gageait qu'elle avait à présent de l'existence et de leur monde une vision plus précise et plus honnête que celle dont Gwendall disposait elle-même.

A ce stade, il n'avait aucune envie de nier, il se sentait même soulagé que sa fille en sache autant. Il fallait au moins ça pour s'armer contre les vicissitudes de l'existence qu'elle avait choisie. En revanche, il ne pouvait qu'éprouver une immense culpabilité en l'entendant parler de faits qu'elle devait s'imaginer lui révéler alors que Gwendall en avait en réalité toujours eu conscience. La guerre et tout ce qu'elle avait impliqué, cela paraissait bien lointain au paysan, et il était bien jeune à l'époque. Mais le passé trouve toujours un chemin par lequel vous rattraper, et si Gwendall avait pu en douter à une époque, ce n'était définitivement plus le cas. Et Eleonore, la première, en faisait manifestement les frais.

Alors oui, il était au courant qu'une barrière avait été érigée entre Féerie et le Royaume du bout de l'océan, ce qu'il avait ignoré, c'était simplement que cette barrière ait été abattue (et ça n'avait rien de rassurant). Il savait, évidemment, qu'Edgar s'était toujours servi de l'ancien royaume ennemi comme prétexte pour justifier les disparitions qui avaient lieu en ces terres, et qui se justifiaient pourtant dès l'instant où l'on découvrait l'existence de l'île des soupirs. Ce qu'il ignorait en revanche, c'était l'état de délabrement et de misère dans lequel était plongé le royaume du bout de l'océan depuis la guerre. Il savait à peu près à quoi le royaume avait ressemblé autrefois, pas parce qu'il s'y était rendu - il n'avait pas été envoyé là-bas pour participer à la guerre à l'époque -, mais parce qu'on lui en avait fait le récit. Il ignorait ce que tous ces gens étaient devenus. Naïvement, il avait supposé qu'ils s'en sortaient très bien, et d'autant mieux qu'ils étaient débarrassés des Féeriens. Manifestement, il s'était lourdement trompé à ce sujet.

Gwendall hésita, il ne savait pas comment aborder les choses... Il pourrait se contenter de dire "Je savais ceci mais je ne savais pas cela", mais ce genre de réponse lui semblait creux et inutile.

-Ce Nathaniel... Il n'aimait vraiment pas évoquer cet homme. Il t'a parlé de la guerre ?

Techniquement, il était trop jeune lui aussi pour avoir connu tout ça, mais manifestement, il en savait de toute façon trop, alors...

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ntendre ainsi sa fille parler de cette guerre qu'elle n'avait pas connue, et de laquelle elle n'aurait absolument rien dû savoir, c'était un sentiment étrange, pour Gwendall, et il ne savait pas vraiment quoi en penser. D'une certaine manière, il estimait que c'était une bonne chose qu'Eleonore soit au courant. Dans l'état actuel des choses, dans la situation où la jeune femme se trouvait actuellement, c'était sûrement une bonne chose qu'elle soit au fait des grands événements qui avaient marqué le cours de l'histoire, qu'elle ait ça dans un coin de sa tête... mais tout de même... Ce n'était pas pour rien, si Gwendall avait gardé le secret. Quand bien même il admettait aisément à ce jour que les décisions du roi n'avaient rien de judicieuses à plus d'un titre, il avait compris en quoi épargner les récits de guerre à la jeune génération contribuait à l'équilibre du monde. Là, il se sentait mal, mais quelque part soulagé d'un poids.

Oui, Nathaniel lui avait parlé de la guerre... et de ce qu'elle lui en disait de façon succincte, il ne l'avait pas menée en bateau, il lui avait appris les faits tels qu'ils avaient été. C'était déjà ça, il n'avait pas besoin de rétablir la vérité, donc... Même si maintenant, lui aussi devait répondre de son silence, de ses mensonges. Il n'y avait plus vraiment de mensonges à cette heure entre lui et sa fille.. c'était en partie rassurant, vraiment. Même s'il ne savait pas trop si ses réponses apporteraient à Eleonore du réconfort ou, au contraire, une véritable angoisse. Comment savoir ?

-Je suis resté à Féerie, répondit-il alors quand Eleonore lui demanda de quelle façon il avait vécu la guerre de son côté. Il était certes jeune, à l'époque, mais en âge de partir au front. Néanmoins, ses pieds n'avaient jamais foulé le sol ensablé du royaume du bout de l'océan. Le pays se préparait à un éventuel état de siège, j'étais chargé d'approvisionner le royaume. Je n'ai su ce qu'il s'était passé qu'au retour de nos hommes... Dorian était parti à la conquête de l'autre royaume avec ses troupes, elles sont revenus en sous-nombre, sans Dorian et notre nouveau roi à sa tête.

Il avait été un des derniers à avoir vent de ce qui s'était passé là, le dernier à entendre un récit que le roi chercherait plus tard à étouffer et à faire oublier, tout simplement. Simplement et pas si simplement que ça, en réalité. La situation était complexe, et il l'avait accepté comme elle était. Il avait songé à Abygaëlle, il songeait à la famille qu'il voulait construire avec elle, et le choix du silence s'était fait pour elle.

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wendall aurait aimé, pour tout dire, ne jamais avoir cette conversation avec sa fille... mais au vu des circonstances, cette discussion était certainement essentielle, nécessaire. Il fallait qu'ils en parlent, il fallait qu'il l'éclaire autant qu'il le pouvait sur un passé qu'il avait trop longuement enterré avec l'espoir de ne jamais le voir être révélé au grand jour. Eleonore en savait déjà trop, elle était en danger, la moindre des choses, c'était maintenant de répondre à toutes les questions qu'elle posait. Et il essayait de se montrer le plus honnête possible.

Malheureusement, le paysan n'avait pas autant de réponses à sa disposition que ce qu'Eleonore devait bien espéré. Il n'avait pas été un acteur de l'ancienne guerre, il avait vu les événements de loin, et pendant longtemps, il s'était satisfait de certains mensonges. Il avait fallu la naissance de Victoria et tout ce qui s'en était suivi pour qu'il se permette de remettre certaines choses en question, concernant son roi, surtout. Il avait bien su s'aveugler, au même titre que les autres, avant cela. Suite à quoi c'était devenu le début d'une vertigineuse chute aux enfers, qui ne l'avait pas laissé indemne. Mais son sort n'était pas du tout comparable à celui de sa fille - de ses filles, qui ne pouvait que définitivement souffrir de la situation.

-Je ne l'ai pas connu personnellement, répondit Gwendall quand sa fille lui demanda s'il avait connu l'ancien roi de Féerie.

L'on pouvait légitimement se poser la question quand on savait ses accointances - assez involontaires - avec la famille royale à l'heure actuelle. Mais le fait est qu'à l'époque, il n'était jamais qu'un jeune paysan sans histoire au service de la couronne, et il n'avait pas adressé la parole au roi Dorian une seule fois. Il ne pensait même pas, à l'époque, que cela fût possible.

-Il était jeune... peut-être trop jeune pour ses fonctions. L'on dit que sa mère en assumait une grande partie, mais j'ignore si c'est vrai. Il n'était pas en mesure d'affronter une guerre. Enfin... qui le serait...

Edgar, peut-être... Et il était possible qu'ils doivent s'en rendre compte bien vite. C'était une pensée qui angoissait beaucoup Gwendall, qui n'avait jamais considéré l'avenir avec autant de pessimisme. Malheureusement, tout ça ne dépendait plus d'eux, à présent, et Gwendall n'était pas certain qu'ils soient capables d'y faire quoi que ce soit. Il ne savait pas à quoi cela servirait à Eleonore d'apprendre dans tout cela, mais quoi qu'il en soit, il savait qu'il n'était plus temps de lui mentir. Quoi qu'il en soit, Eleonore en savait bien assez, déjà, ils n'étaient plus réellement à cela près.

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wendall ne pouvait malheureusement pas contredire sa fille quand cette dernière observait que le roi Edgar, lui, serait peut-être capable d'affronter une guerre puisque, après tout, il l'avait déjà fait. Le paysan n'en était pas entièrement certain mais il admettait qu'il serait candide et danereux de partir du principe que si une guerre éclatait, le roi ne réussirait pas à faire face et serait destitué. Serait-ce une bonne chose, d'ailleurs ? qu'il ne sache pas faire face et soit destitué ? Sans doute pas, en vérité. Car si tel devait être le cas, qui sait ce qu'il adviendrait de Féerie et qui, en fin de compte, se retrouverait à sa tête.

Cette situation ne pourrait absolument pas augurer quoi que ce soit de bon... Si une guerre éclatait. Gwendall n'avait pas envie de croire que ce puisse être le cas, mais il devait bien reconnaître que le climat d'incertitudes et de conflits internes qui régnait à l'heure actuelle ressemblait à s'y méprendre à un autre qu'il avait bien connu : ce calme avant la tempête, celui qui avait précédé la première guerre qui, même si elle s'était déroulée en territoire "ennemi", avait eu des répercussions jusque de leur côté de l'océan.

-Il l'a déjà fait, c'est vrai, mais il est sans doute plus simple de mener de front une guerre que l'on a soi-même provoquée et enclenchée sans que l'ennemi n'ait eu le temps de s'y préparer que de gagner en se retrouvant dans la situation inverse.

Si guerre il devait y avoir, chose que Gwendall ne souhaitait surtout pas... Edgar, même en s'y préparant maintenant aurait sans doute du mal à rattraper le retard pris. Et les armées féeriennes n'étaient plus habituées au combat. Mais ce n'était pas une chose sur laquelle ils avaient la moindre prise, malheureusement, et Gwendall ne pensait pas qu'il puisse s'agir d'autre chose.

-Dorian n'était pas un mauvais roi mais... je te l'ai dit, il était trop immature. Féerie, sous son règne, a connu de nombreux drames et une misère qui n'épargnait qu'une frange très restreinte de la population.

En somme, non, Gwendall n'estimait pas que le prédecesseur d'Edgar soit un bon roi. Cela voulait-il dire qu'Edgar était meilleur que lui ? En apparence en tout cas. Et Gwendall l'avait cru, au début, avant d'être directement impliqué dans ses manigances. Féerie était devenue prospère, abondante, la souffrance occultée donnait le sentiment que rien de mal ne pouvait se passer. Mais bien sûr planquer le désespoir sous le tapis pour le faire oublier à tous, ça n'avait rien de la décision politique la plus saine et irréprochable que l'on puisse imaginer, et Edgar était un roi bien pire que ne l'avait été Dorian.

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