Sage est le père qui connaît son enfant. [pv Nathan <3]

B

ertille n'avait pas la moindre idée de la manière dont elle allait s'y prendre précisément. Accumuler le plus de vivres possible afin de garantir le meilleur voyage possible jusqu'à l'autre bout de l'océan, c'était une chose, parvenir réellement à rassembler les vivres en question en était une autre. Voler, Bertille savait faire, mais là, elle ne pourrait pas se contenter de larcins anodins, qui leur permettraient seulement, à Orchide et à elle, de vivoter. Il fallait agir de façon raisonner, et c'était tout sauf quelque chose de simple. D'autant qu'elle était seule à l'ouvrage. Bertille ne le reprochait pas à Orchide, elle était trop... repérable, il était normal que la tâche lui incombe, mais de fait, elle se sentait... terriblement seule, pour tout dire.

Mais ce n'était pas nouveau, la solitude était un sentiment constant chez elle... mais il se révélait plus... prononcé ces derniers jours. Pourtant, elle avait Orchide, et elle savait qu'elle pourrait toujours compter sur elle. Seulement, ce n'était pas assez. Apprendre la mort de Victoria avait laissé dans son coeur une plaie profonde, béante, que rien ne réussissait à cicatriser. Elle essayait de garder la face quand elle se trouver en compagnie de sa meilleure amie, mais une fois seule avec elle-même, elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver le plus pur désoeuvrement. Rien ne se passait ainsi qu'elle l'avait espéré...

Victoria ne reviendrait jamais, elle était arrivé trop tard, elle n'avait pas le courage de venger son père, et en aidant Orchide à retrouver l'enfant qui avait tué ses soeurs, elle savait qu'elle s'éloignait définitivement de Féerie, et donc de la perspective de venir au secours de Nathaniel. Certes, elle n'aurait pas pu faire grand-chose pour lui dans tous les cas... mais elle avait le sentiment de le trahir. Elle ne devrait peut-être pas envisager les choses ainsi, après tout, il était celui qui l'avait trahie en premier quand il avait disparu de l'autre côté de l'océan pour ne revenir que des décennies plus tard, sans lui laisser aucun signe de son existence, sans lui laisser l'espoir qu'il soit encore en vie.

Oui... Bertille n'était pas heureuse. Bertille allait mal. Mais Bertille prenait sur elle, et le mieux pour cela était encore de se focaliser sur leur plan, même si cela revenait évidemment à agir en automate. Passée à côté d'un étal de marchandises qui lui semblaient moins périssables que les précédentes, elle y passa les mains en espérant se faire discrète, mais arrêta son geste en sentant une présence juste à côté de la sienne. Elle n'eut pas le temps de réagir qu'on lui agrippait le poignet. Un garde royal qui l'avait reconnu ? ou qui voulait seulement la punir de son larcin ? Elle n'en savait rien. Le coeur battant, elle leva les yeux vers l'homme qui venait de la prendre la main dans le sac.

-Lâchez-moi.

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ertille se trouvait dans un état d'angoisse terrible. Forcément, elle était toujours stressée quand venait le moment de voler le marché, l'habitude n'ôtait rien à la crainte d'être prise la main dans le sac... et pour le coup, il semblait qu'elle l'était... Mais l'angoisse qu'elle avait ressentie jusqu'ici n'était rien à côté de ce qu'elle éprouva au moment d'entendre son prénom. Ce fut comme un coup puissant au coeur. En dehors d'Orchide, personne ne l'appelait plus jamais par son véritable nom, et quand cela finissait par arriver, c'était par un fantôme de son passé (Anthony) ou dans un concours de circonstances presqu'absurde qui devait remettre en question jusqu'aux éléments les plus fondamentaux de son existence (Eleonore). Mais cet homme n'appartenait pas à son passé... Pourrait-il être un rebelle ? un proche d'Eleonore ? Peut-être seulement un garde du roi. Qui sait si Anthony ne l'avait pas trahie ? Et s'il avait appris son retour à Edgar ? Et si les gardes royaux la recherchaient à présent, signalement physique à l'appui ?

Dans tous les cas, ce nom prononçait résonnait à son oreille comme une violente alarme, stridente, qui la prévenait d'un danger et l'exhortait à fuir. Ce qu'elle ne fit pourtant pas. Parce que l'homme ne semblait pas avoir d'intentions hostile à son adresse ? Peut-être bien. Elle ne saurait entièrement se l'expliquer à elle-même. Elle avait simplement besoin de comprendre qui était cet homme. Le nombre de personnes à la savoir en vie allait augmentant ces derniers temps. Pour sa propre sécurité, peut-être valait-il mieux écouter au lieu de fuir ? Même si ça n'avait rien d'une chose simple, c'est certain.

Elle parvint à se défaire de l'emprise de ses doigts sur son poignet et à s'écarter de quelques pas. Ses grands yeux le toisaient à présent, avec un mélange de peur et de curiosité. Elle était convaincue de ne pas connaître cet homme. Elle ne pourrait prétendre avoir gardé de son passé un souvenir bien précis, et certains visages, certains noms, étaient comme devenus flous, mais elle était presque certaine de ne l'avoir jamais vu. Pourtant, il y avait chez lui quelque chose d'étrangement familier. Et ce constat, loin de la rassurer, l'inquiétait encore davantage, pour tout dire.

-Qui êtes-vous ? Comment savez-vous mon nom ? demanda-t-elle d'emblée.

Elle aurait pu en poser bien d'autres, des questions, à la vérité. Un "que me voulez-vous ?" ne demandait par exemple qu'à franchir le seuil de ses lèvres, mais chaque chose en son temps. Pour le moment, elle avait besoin d'évaluer le degré de dangerosité de la situation, et elle pensait que ce ne serait possible qu'à l'instant où il lui aurait appris qui il était exactement. Et ce qu'il savait d'elle.

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athan... Ce nom n'aidait pas du tout Bertille à se faire une idée de qui était cette personne. C'était un nom qu'elle n'avait jamais entendu, un nom qui ne lui disait absolument rien, et il ne lui semblait pas avoir déjà eu vent de cet individu. Ce qui ne la rassurait bien évidemment pas le moins du monde. La jeune femme n'aurait pas forcément apprécié non plus de se trouver face à quelqu'un dont le nom lui aurait été trop familier, sachant que dans tous les cas, le risque était beaucoup trop présent, mais en l'occurrence, elle ne savait pas du tout à quoi s'attendre, et ça ne la rassurait pas le moins du monde.

Il lui apprit qu'il avait bien connu sa mère... Elle sentit son sang se glacer. Le roi n'avait eu de cesse de lui répéter à l'époque à quel point elle ressemblait à la femme qui l'avait mise au monde, et il s'était par ailleurs servi de cette ressemblance pour assouvir les pires fantasmes envisageables. Depuis, elle n'avait plus eu l'occasion d'entendre combien elle était le portrait craché de sa mère. C'était... alarmant. Pouvait-on la reconnaître au premier regard quand on avait côtoyé Esther Basiel ? Malheureusement, elle commençait à penser que oui.

-Je sais..., répondit Bertille d'une voix blanche que le dénommé Nathan observa que tout le monde l'avait pensée morte. C'était le cas et ça l'avait arrangée. Morte, elle ne s'attendait pas à ce que qui que ce soit la reconnaisse. Mais elle avait été reconnue... Elle avait été reconnue. Et elle était terrifiée à l'idée de ce que ça pouvait bien signifier pour elle. Qui sait les répercussions que ça pourrait avoir sur elle. Comment est-ce qu'elle allait s'en sortir exactement ? Et que pouvait-elle espérer ? Et je voudrais que ça reste le cas...

Suffirait-il qu'elle suggère à cet homme de se taire pour qu'il se taise vraiment, elle en doutait réellement. Après tout, il ne lui devait rien. Alors que elle, de sa parole ou de son silence pouvait dépendre une quantité de contrariétés qui lui glaçaient le sang rien que d'y penser.

-Comment est-ce qu'elle était... ma mère ?

Bertille hésitait à poser cette question, il n'était peut-être pas nécessaire d'enfoncer le clou encore davantage, mais elle ne pouvait dans tous les cas pas se mettre plus en danger qu'elle ne l'était en cet instant, alors autant aller jusqu'au bout, pas vrai ? C'est sûr que ça n'allait plus changer grand-chose à ce stade. Alors elle avait envie d'entendre la réponse à cette question, de la part de cet homme qui prétendait l'avoir bien connue. Est-ce que c'était effectivement le cas ? Pas dit. Mais en effet, elle n'était plus à ça près.

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ertille était suspendue à la réponse de son interlocuteur, sans réellement savoir ce que cette dernière serait susceptible de lui apporter ou non. La jeune femme ne savait pas si cet homme avait véritablement bien connu sa mère... Peut-être n'avaient-ils été que de vagues connaissances, tout compte fait. Et même s'il l'avait bien connue... Sa mère était morte il y a si longtemps... Elle ne devait plus incarner qu'un très lointain souvenir à ses yeux et rien de plus... Pour autant, elle était avide de la moindre information que l'on pourrait lui communiquer au sujet de la femme qui l'avait mise au monde. C'était le cas depuis toujours quand on lui parlait d'Esther Basiel. Peut-être parce qu'elle avait besoin de se reconnaître en elle autrement que pour les traits qu'on leur disait communs... Parce qu'elle avait envie de se dire qu'elle avait au moins eu une mère... si ce n'est exemplaire, du moins digne de son estime, elle qui voudrait pouvoir n'être en aucun cas associée à l'homme qui l'avait mise au monde, chose qui semblait malheureusement impossible.

L'homme lui assura qu'il y avait trop à en dire. Bertille trouvait cela assez rassurant, à vrai dire. Cela devait signifier que cet homme en savait effectivement beaucoup sur sa mère. Mais il commença par ce qu'il y avait de plus évident. Elle n'aimait pas qu'on lui dise qu'elle ressemblait à sa mère, physiquement du moins. Elle voulait avoir hérité de son caractère et non de ses traits. Parce que ce n'était pas la première fois qu'on lui disait et répétait qu'elle était le portrait craché de sa génitrice. Et ce malheureux constat avait brisé son innocence et détruit sa vie. Peut-être que ce n'était qu'une excuse, que le roi lui aurait fait tout autant de mal si elle n'avait pas été la fille de son père, mais comment le savoir ? Elle, elle détestait l'idée qu'il l'ait reconnue en elle, au point de la haïr et de l'aimer comme il l'avait haïe et aimée.

Il ajouta qu'il l'avait beaucoup appréciée. Une femme adorable, à la conversation intéressante. C'était un début, mais ce n'était pas assez. Elle avait besoin d'en entendre plus. Elle ne réussissait pas à se contenter de cela. C'était encore à la surface des choses. Elle avait besoin d'en entendre plus, et puisque l'homme semblait décidé à lui répondre, la jeune femme avait la ferme intention de lui en demander encore davantage. Elle verrait bien à quel moment il en aurait assez de lui répondre. Et les risques qu'elle encourrait... Elle n'en savait rien, mais il était trop tard pour faire marche arrière.

-Et de quoi parliez-vous, tous les deux ?

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ertille ne savait pas vraiment ce qu'elle attendait de cette conversation. Elle n'était pas sûre que raviver le souvenir de sa mère, cette mère qu'elle n'avait de toute façon jamais connue, cette mère qui avait valu qu'on la haïsse et qu'on la molleste, cette mère à qui elle ressemblait trop... elle n'était pas sûre que ça puisse lui faire le moindre bien. Mais si elle se posait la question, c'est bien que toute cette situation la taraudait. Qu'elle le veuille ou non, elle restait tributaire de cette femme dont elle ne savait pourtant rien. Elle avait face à elle un homme qui semblait l'avoir très bien connue, difficile de passer à côté de l'opportunité de mieux connaître cette femme si importante et pourtant si négligeable dans sa vie.

Ils étaient semble-t-il très proches, suffisamment proches pour être des confidents l'un pour l'autre. Il avait perdu son épouse à l'époque, Bertille, prise de court, n'envisagea pas de présenter ses condoléances à son interlocuteur, elle ne savait même pas si c'était de mise, d'ailleurs, compte tenu du fait que ce décès devait remonter à presque une trentaine d'années. Cela n'avait sans doute pas beaucoup de sens que de lui dire qu'elle était désolée, ou n'importe quelle formule d'usage dans ces circonstances. En tous les cas, donc, il s'était rapproché de sa mère, qui l'avait soutenue dans l'épreuve, sa mère qui elle souffrait, fallait-il le croire, de l'absence de son mari. La jeune femme n'avait pas besoin de demander où son père disparaissait, elle le savait très bien, c'était là qu'il avait disparu presque toute son enfance, là où étaient partis Nathaniel, Anthony... Dorian aussi. Ces terres du bout de l'océan qu'elle avait promis de gagner pour le bien d'Orchide et certainement plus le sien. Elle avait dû se sentir seule, sa mère. Ou bien soulagée ? Bertille se souvenait qu'à chaque retour d'Edgar à Féerie, elle avait le souffle coupé et la peur au ventre. Et à chacun de ses départs, elle se sentait soulagée... Jusqu'au jour où il était revenu, cette fois couronné roi, et dans l'intention de ne plus jamais repartir.

-Elle l'aimait ? demanda Bertille très directement, sans envisager d'y mettre les formes. Mon père, elle l'aimait ?

Elle ne pouvait que se poser la question. Elle ne pensait pas qu'Edgar ait aimé sa femme, c'était impossible. Sans cela, il ne l'aurait pas tant fait souffrir, elle. Il avait prétendu porter son deuil, mais l'avait-il vraiment pleurée ? Et plus largement, était-il seulement capable d'aimer qui que ce soit ? Mais même si Edgar n'avait pas aimé Esther, cela ne voulait pas dire qu'Esther n'avait pas aimé Edgar. Et Bertille ne savait pas vraiment quelle réponse elle voulait entendre à cette question.

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ertille ne savait vraiment pas quelle réponse elle voulait entendre de la part de son interlocuteur. Sans doute aucune, en fin de compte, car elle était incapable de se satisfaire de la réponse que ce dernier lui donnait à présent. Elle était capable d'entendre que sa mère avait aimé son père, quand bien même il lui semblait impossible de s'éprendre d'un tel homme, elle avait en revanche bien plus de mal à accepter que le roi, de son côté, ait pu lui rendre ses sentiments. Ce n'était sans doute pas si improbable, pourtant... mais ce serait accepter de l'humaniser que d'admettre qu'Edgar Basiel ait pu aimer sincèrement son épouse, et ça... c'était au-dessus de ses forces. Que l'amour qu'il avait eu pour sa femme puisse justifier, d'une manière ou d'une autre, tous les sévices qu'elle avait subis, c'était juste... insupportable. Non, elle n'avait pas eu envie d'entendre ça. Comment pouvait-on naître d'un amour si sincère et être si mal aimé ? Non, ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas coller, ça ne devait pas coller.

Comme pour balayer sa réponse d'un revers de manche, l'homme reprit en affirmant que le passé ne méritait pas que l'on s'y appesantisse. Elle n'était pas du même avis. Le passé était douloureux, il était à peine avouable, mais il était ce qui l'avait façonnée. Sans lui, elle n'était rien. Elle ne pouvait pas négliger, oublier cela. Mais elle n'était pas sûre d'avoir l'énergie de débattre de tout cela... pas avec cet homme qui certes avait connu sa mère mais dont elle savait si peu de choses en fin de compte de son côté.

Bertille resta interdite en entendant la question de son interlocuteur. Elle ne savait pas quoi lui répondre ? Se contenter de dire la vérité était tentant, mais qu'est-ce qui pourrait bien lui garantir que cette vérité ne se retournerait pas contre elle ? Elle n'avait fait à personne en dehors d'Orchide le récit de ce qui lui était arrivé. Ceux qui savaient l'avaient appris sur le moment, ou par une voie détournée, mais jamais aussi directement.

-J'ai survécu..., dit-elle d'une voix rauque. J'ai arraché mes cheveux, j'ai quitté ma tour, puis je me suis enfuie. Elle se doutait que ce qu'elle disait n'avait aucun sens, mais dans tous les cas, son histoire, en elle-même, n'avait déjà que trop peu de sens... Et je l'ai cherchée. J'ai cherchée ma fille. Jusqu'à ce qu'on m'apprenne qu'elle était morte.

Ses mots coulaient en désordre, mais tout seuls. Elle décidait de dire la vérité, dut-elle faire un mauvais choix et devoir le regretter par la suite. Tant pis, il fallait que ça sorte, dans tous les cas.

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L'

homme ne demanda pas plus de précisions quant à son discours pour le moins décousu au sujet de ce qu'elle avait vécu, tout ce temps durant lequel on l'avait cru morte. Sans doute avait-il compris qu'elle n'avait pas l'intention de se montrer beaucoup moins cryptique. Qu'il interprète ce qu'il voulait, même si cet homme avait connu sa mère, même s'il ne semblait pas malveillant envers elle, elle savait bien qu'elle ne pouvait pas se permettre non plus de le croire sur parole et de ne pas faire preuve d'un minimum de défiance. Alors, elle n'avait pas l'intention de rentrer dans des détails qui pourraient éventuellement lui porter préjudice par la suite.

Elle allait droit au but, droit aux faits, et elle avait comme l'intuition qu'il était dans les habitudes de son interlocuteur de faire de même également. Ils avaient sans doute plus en commun qu'ils ne le soupçonnaient de prime abord... Enfin, qu'elle ne le présumait, plutôt, car Nathan Gagnon savait bien mieux qu'elle ce qu'ils avaient en commun : ni plus ni moins que le même sang, mais cela, elle était bien incapable de le voir, de le comprendre.

-Si vous me posez la question, c'est que vous le savez, n'est-ce pas ? demanda Bertille d'un ton qui restait tout de même défiant.

Elle ne comprenait pas trop qui était cette personne qui se tenait face à elle, qui l'avait reconnue beaucoup trop facilement, qui prétendait connaître sa mère, qui l'interrogeait avec une curiosité trop insistante pour être complètement honnête, elle comprenait seulement, et sur ce point, elle doutait fort de se trompait, qu'il en savait très certainement plus que beaucoup d'autres. S'il l'interrogeait sur les circonstances de la mort de Victoria, s'il savait qu'elle avait une fille pour commencer, ce que presque tout le monde ignorait, c'était que, forcément, il y avait anguille sous roche.

-Vous n'avez pas semblé surpris d'apprendre que j'avais une fille, pas beaucoup plus surpris d'apprendre que cette fille était morte. Pensez bien que cela me pousse à me poser plus d'une question, remarqua-t-elle en détaillant son interlocuteur de haut en bas.

Est-ce qu'elle n'était pas en train de prendre des risques inconsidérés en poursuivant plus avant cette discussion ? Si, c'était bien possible, et c'étaient certainement là des risques qu'elle ne devrait pas se permettre de courir, c'était beaucoup, beaucoup trop dangereux, à l'évidence.

-Vous n'êtes pas qu'un simple ami de ma mère, il y a autre chose. Elle ne le disait pas sur le ton de l'interrogation, mais bien sur celui de l'affirmation, même si, dans le fond, elle ne pouvait pas du tout être certaine de ce qu'elle avançait. Je me trompe ?

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ui que puisse être cet homme, qui qu'il puisse être réellement, Bertille devinait qu'il devait en savoir bien plus que ce qu'il prétendait. Sur sa mère, certes, mais sur elle-même aussi. C'était un constat qui l'intriguait, en plus de la perturber beaucoup. Elle ne saurait définitivement qu'en penser, si ce n'est que cette situation la mettait par certains aspects mal à l'aise et par d'autres poussait sa curiosité à un tel extrême qu'il semblait bien impossible de s'y soustraire pour autant. En réalité, c'était probablement impossible, oui... Elle avait besoin de comprendre, d'obtenir les réponses à ses questions, et elle entendait que son interlocuteur le fasse sans discuter et avec le plus de transparence possible. Une chance pour elle, cela semblait être bel et bien son intention.

Nathan le lui confirmait, il n'était pas qu'un simple ami de sa mère. Cela signifiait-il qu'ils avaient été amants. C'était probablement aller un peu trop vite en besogne que de sauter immédiatement à cette conclusion, mais Bertille ne pouvait s'en empêcher... Certes, elle n'en déduisait pas immédiatement qu'elle serait la fille de cet homme, malgré sa tentation trop grande de se trouver un autre père que le roi de Féerie, mais elle devait en déduire néanmoins qu'il restait des secrets dont elle-même n'avait pas conscience, et cette conversation l'aiderait peut-être à se rapprocher de la femme qu'était sa mère, et qu'elle regrettait si profondément de n'avoir jamais connue. Si elle n'avait qu'aversion à l'égard de son père, sa mère lui inspirait tout naturellement l'émotion inverse. A tort ou à raison, difficile de le dire, mais Nathan disposait peut-être des réponses à ces questions.

-Comment est-ce que vous avez pu savoir que Victoria était ma fille ? Personne n'était au courant, observa-t-elle avec beaucoup de prudence.

Est-ce que personne n'était vraiment au courant. C'était difficile à dire. Après tout, Anthony l'avait bien su, lui, et les Odien également... C'était un secret bien gardé pour un secret de polichinelle, mais pas si bien gardé que ça non plus. Elle retient les "ils l'ont fait disparaître", laissant soupçonner une responsabilité plus grande encore aux Odien que ce qu'elle s'était imaginer en premier lieu, mais dans un premier temps, elle décida de ne pas commenter à ce sujet. Les questions qu'elle se posait étaient beaucoup trop nombreuses déjà... elles se suffisaient à elles-mêmes.

-Comment aviez-vous fait ? Pour garder un oeil sur elle ? Comment était-elle ?

Les questions se bousculaient dans son esprit, et Bertille les posait telles qu'elles lui venaient. Son besoin de comprendre était beaucoup trop grand. Il se dispensait de ronds de jambe ou de quoi que ce soit de tel.

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