Les petits plats dans les grands (Odelle)

Les petits plats dans les grands

Odelle n’était pas mécontente d’avoir pu apaiser les choses avec Edgar. Leur relation n’était pas parfaite, certes, mais la jeune sorcière avait pu au moins s’excuser auprès du souverain de Feerie et lui offrir un présent comme dédommagement. Elle comprenait que tout n’était pas pardonné, évidemment, ce n’était pas une petite bêtise qu’elle avait commise. Mais grâce à Nathaniel, qui pour une fois faisait quelque chose de bien, elle avait pu apaiser la colère du roi à son égard, et elle pouvait ainsi à nouveau se montrer devant lui, ce qui n’était pas peu pour elle. Depuis la destruction de la barrière, elle s’était bien gardée d’aller fanfaronner au château, craignant la réaction du roi. Même si techniquement, elle était bien plus puissante que lui et qu’au final, elle ne craignait aucun dommage physique, elle avait tellement d’estime pour lui que de lire certaines émotions dans son regard aurait été un véritable choc pour elle. Alors elle s’était terrée dans sa forêt, et avait continué à vivre sa petite vie.

Et sa petite vie était bien remplie, pour son plus grand bonheur. Si elle avait dû se tourner les pouces, toutes les journées, elle n’aurait pas supporter, c’était une évidence. Elle était une sorcière, alors elle était souvent occupée. Entre ses propres projets et ce que les quelques courageux venaient lui demander, elle ne chômait pas, mais c’était une bonne chose. Au moins, sa magie ne rouillait pas, et vu les pouvoirs qu’elle possédait, ce serait fort dommage. Ce n’était en aucun cas de la prétention, juste un fait. Elle la sorcière la plus puissante de Féerie, et elle n’avait absolument aucune raison de faire de la modestie, ou de la fausse modestie. Appelons un chat, un chat, et il était inutile de jouer les pudiques. Elle ne l’était en aucun cas. Tout cela pour dire qu’elle n’éprouvait aucun ennui dans son quotidien, mais ce n’est pas pour autant qu’elle courrait partout non plus. Comme tout le monde, il lui arrivait d’apprécier de rester seule chez elle, et de pouvoir se détendre, sans forcément faire quelque chose de précis.

Et c’était justement le cas ce jour-ci. Odelle n’avait rien de particulier à faire. Enfin, ce n’était pas tout à fait exact. Elle avait quelques commandes qu’elle laissait traîner, dont elle s’occuperait plus tard par manque de motivation, mais elle avait juste envie de se reposer. Elle travaillerait plus tard, elle avait le temps de toute manière, elle informait toujours ses clients qu’elle avait besoin de temps, quand bien même c’était des choses qu’elle pouvait faire dans l’instant même, elle préférait prendre son temps, et n’aimait pas du tout être pressée. Elle fut cependant surprise quand elle entendit frapper à sa porte. Elle n’attendait personne, mais elle se leva tout de même pour aller ouvrir, curieuse.

« Bonjour Odelle ! Je t’ai ramené un petit encas. »

La sorcière sourit à Orchide. Elle ne s’attendait pas à une telle visite, mais il est vrai qu’elle lui faisait très plaisir. Surtout qu’elle apportait à manger, c’était donc encore mieux. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas vu son amie, et cela lui faisait dont vraiment plaisir de la trouver sur le pas de sa porte. Odelle n’avait pas énormément d’amis, mais Orchide en était une dont elle ne se lassait jamais.

« Orchide, quelle agréable surprise. Entre je t’en prie, que me vaut l’honneur de ta visite ? »

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Les petits plats dans les grands

Odelle n’allait pas mentir, elle était heureuse que pour une fois, on vienne la voir pour autre chose que de lui demander un service. A ce stade, elle ne savait pas que la visite de son amie était intéressée, mais elle était contente que sa compagnie soit appréciée. La plupart des gens avaient peur d’elle, à raison d’accord, elle avait de grands pouvoirs, mais elle n’était pas non plus décidée à décimer le peuple de Féerie. Il fallait juste ne pas la mettre en colère, et ne pas être un enfant, et en général, on ressortait d’ici entier. Mais là c’était différent, c’était Orchide, et Odelle appréciait beaucoup la demi-ogresse, elles étaient amies depuis longtemps, et c’était même la jeune femme qui l’avait initié au cannibalisme. Elle était toujours la bienvenue chez elle, et sa porte lui serait toujours ouverte.

Elle était certaine qu’elles allaient passer un bon moment ensemble toutes les deux, et pouvoir papoter comme deux amies. Ce n’était pas parce qu’elles étaient une sorcière et une demi-ogresse qu’elles ne pouvaient pas se comporter dans la plus grande des normalités. Odelle avait plein de choses à raconter à son amie, et elle espérait qu’il en était de même pour Orchide.

« Je ne viens pas ici que dans le but de partager un repas avec toi, même si c’est très agréable. J’ai besoin d’un service ! »

Ah. Bon, Odelle retirait le fait qu’on ne venait pas toujours la voir pour lui demander un service. Elle était déçue, naturellement. Elle avait presque l’impression qu’elle n’était qu’un ustensile qu’on passait de main en main. Bon oui, elle exagérait, mais c’était sa déception qui parlait. Elle avait tout de même envie de savoir ce que son amie voulait, étant curieuse.

« Faut que j’aille au royaume du bout de l’océan, j’ai besoin de passer la barrière ! »

Elle n’allait pas avoir besoin d’elle dans ce cas, puisqu’il n’y avait plus de barrière. Evidemment, elle n’était pas censée le savoir. Et pour cause, l’information n’était pas encore rendue publique, ce qui n’était pas forcément une si mauvaise chose. Odelle s’en voulait vraiment d’avoir détruit la barrière, et elle regrettait vraiment son geste. Il est vrai qu’il y avait toujours la possibilité d’en recréer une, mais ce n’était pas un petit sort de routine, cela demandait de la préparation et du temps. Et elle ne savait pas vraiment si ce serait une bonne idée de tout remettre comme si de rien n’était non plus. Toutefois, elle ne comptait pas dire tout de suite à Orchide que la barrière n’existait plus.

« Pourquoi veux-tu aller là-bas ? »

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Odelle était peut-être injustement méfiante, mais sa confiance était un bien précieux, qui ne s’acquérait jamais totalement, sauf exception. Elle appréciait sincèrement Orchide, et la considérait comme une véritable amie, mais elle n’avait aucune envie d’être vue comme quelqu’un que l’on pouvait utiliser à sa guise. Elle pourrait se sentir flattée, parce qu’on se tournait vers elle quand on avait besoin d’un service, mais elle n’avait pas besoin de cela pour savoir combien elle était puissante. Ce n’était pas la modestie qui l’étouffait, mais il fallait être honnête et savoir affirmer les choses qui méritaient de l’être, tout simplement. Quoiqu’il en soit, ce n’était pas comme si elle allait devoir faire le moindre effort, étant donné que la barrière n’existait déjà plus, mais par principe, Odelle n’était pas vraiment enchantée, en cet instant précis.

Elle voulait tout de même connaître les motivations d’Orchide avant de lui révéler la triste réalité. Elle s’en voulait toujours de l’avoir détruite, mais bon, c’était ainsi. Si cela n’avait pas été le cas, l’aurait-elle fait pour Orchide ? Non, ou alors pour un prix conséquent, comme Daphnée, ou une douzaine d’enfants prêts à être mangés. Mais pas par simple amitié, parce que ce n’était pas quelque chose d’anodin. Peut-être qu’elle aurait pu se contenter d’une brèche temporaire, le temps qu’Orchide passe mais… ce n’était pas comme si ces spéculations étaient utiles à présent.

« Le gamin qui a détruit ma famille. Il est de l’autre côté. Il faut que je le retrouve. »

C’était donc cela. Elle comprenait les motivations de la demi-ogresse, évidemment. Elle connaissait l’histoire, et il était normal qu’Orchide cherche réparation. Ce n’était pas une lubie, un caprice, de vouloir explorer un nouveau monde, et découvrir une autre culture. D’ailleurs, Odelle se demandait si les enfants de là-bas avaient le même goût que ceux de Féerie… c’était une question à laquelle il faudrait qu’elle apporte une réponse, un de ces jours. Enfin bref, elle comprenait le motif impérieux d’Orchide, et le fait qu’elle soit venue requérir son aide. Odelle se sentait… un peu moins vexée, mais sa susceptibilité était tout de même mise à rude épreuve, car il lui en fallait peu. Orchide n’était pas venue pour rien, quoiqu’il en soit.

« J’ai une bonne nouvelle pour toi. La barrière n’existe plus, depuis un moment déjà. »

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Odelle ne savait pas vraiment comment Orchide allait prendre la nouvelle. Il est vrai qu’Odelle n’avait rien dit, mais ce n’était pas comme si c’était quelque chose dont Odelle était fière, étant donné qu’elle s’était totalement faite avoir par Nathaniel, et qu’en contrepartie, elle ne s’était attirée que la déception du roi. Les choses s’étaient arrangées depuis, Odelle avait réussi à revenir dans les bonnes grâces du roi, en lui offrant des cadeaux conséquents, à commencer par Nathaniel. Mais c’était tout de même une période de sa vie sur laquelle elle n’avait pas forcément envie de revenir.

Alors oui, Orchide était une amie qui lui était très chère, sans aucun doute, et elle n’avait pas envie de se fâcher avec elle. Mais elle ne lui avait pas vraiment caché cette nouvelle. Elle n’avait juste rien dit, ce qui n’était pas vraiment la même chose. Et puis elles ne se voyaient pas non plus tous les quatre matins, alors elle n’avait pas forcément eu beaucoup d’occasions non plus, cela allait sans dire.

« Comment ça elle n’existe plus ? Depuis quand ? »

Orchide ne semblait pas énervée, c’était déjà ça. En même temps, c’était ce qu’elle était venue lui demander, de détruire la barrière, étant donné que le travail était déjà fait, cela devait déjà la soulager. Enfin, elle déduisait que c’était le cas. Il est vrai que cela allait dans son sens, mais Odelle n’avait pas envie que la demi-ogresse lui reproche de ne pas lui avoir dit plus tôt qu’il n’y avait plus de barrière. Si les situations avaient été inversées, Odelle aurait sans doute était très vexée de ne pas avoir été mise au courant, parce qu’elle n’aimait pas être mise de côté, et encore moins ne pas être au courant des choses importantes. Il était évident qu’elle ne savait pas tout ce qu’il se passait au Royaume de Féerie, mais elle laissait traîner ses oreilles un peu partout au moins. C’était important.

« Depuis… quelques temps. Je l’ai détruite parce qu’on m’avait promis en échange quelque chose que je voulais depuis très longtemps mais… les choses ne se sont pas passées comme prévu. Je n’ai pas eu mon dû et le roi n’était pas au courant, alors je n’allais pas forcément le crier sur tous les toits. »

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