Les grands esprits se rencontrent. (Michael)

Depuis que Eleonore avait quitté la prison de l'île des soupirs en compagnie des rebelles, la jeune femme avait cœur de les protéger. Elle avait envie de tout mettre en œuvre pour qu'il ne leur arrive rien, pour que la garde royale ne leur tombe pas dessus. Et c'était quelque chose qu'ils faisaient plus ou moins avec Nathaniel, quand le jeune homme était là. Sauf qu'en ce moment, celui qui avait bien des histoires à raconter n'était pas la, enfermé dans les cachots du palais pour le plus grand plaisir de Edgar sans doute. Et forcément, la jeune femme ne pouvait pas s'empêcher de redoubler de prudence. Nathaniel avait été attrapé, ça signifiait que les gardes avaient peut-être plus de motivation encore pour les arrêter eux.

Ils ne restaient pas longtemps dans la même planque et ils évitaient celles qu'ils avaient déjà utilisé dans le passé. Eleonore avait confiance en Nathaniel, ce qu'on lui reprochait souvent, elle se disait qu'il n'allait pas révéler les endroits où ils s'étaient cachés. Mais sous la torture du roi, elle ne pouvait être sûre de rien au final. Et donc, elle ne pouvait que faire plus attention encore. Et elle devait bien reconnaître que la jeune femme comptait sur le fait que Nathaniel avait besoin d'alliés pour s'en sortir et pour faire payer à Edgar tout ce qu'il lui reprochait. Bien plus sur le fait qu'il puisse tenir au petit groupe de rebelle.

La jeune femme avait laissé les rebelles un peu en arrière, avant de prendre de l'avance pour trouver un endroit où ils allaient pouvoir dormir pendant la nuit. L'idéal était quand ils tombaient sur une bâtisse abandonnée, mais il fallait être sûr qu'elle l'était bel et bien. Ils ne pouvaient pas se permettre d'arriver quelque part joyeux de trouver un abri et se rendre compte qu'on les attendait tout aussi joyeusement. Et s'ils ne trouvaient pas de toit, ils n'allaient pas pouvoir faire autrement que de dormir à la belle étoile comme ça arrivait bien trop souvent. La jeune femme avançait donc entre les arbres de la forêt, se concentrant sur tous les bruits suspects. Ce fut sans doute pour cela qu'elle entendu le bruit de cette branche qui se cassa derrière elle. Eleonore se retourna vivement, attrapant lentement la dague que Nathaniel lui avait donné dans sa main, scrutant. Elle ne voyait personne. Ça ne voulait pas dire qu'il n'y avait personne malheureusement, même si à choisir elle préférait bien sûr qu'elle ait simplement cru entendre un bruit, plutôt qu'il y eu vraiment un bruit.

« Qui est là ? » Demanda-t-elle d'une voix forte, pour se faire entendre. Elle devrait sans doute de contenter de poursuite son chemin, prendre ses jambes à son cou.

Mais elle ne pouvait pas se le permettre. Elle ne pouvait pas prendre le risque qu'on la suive, elle ne pouvait pas prendre le risque de mener quiconque auprès des rebelles. Il fallait qu’elle les protège quand même, c’était son rôle. Mais… peut-être qu’au fond il n’y avait personne.

Eleonore vit approcher un jeune homme, les mains en l’air sans doute pour donner l’impression qu’il ne voulait pas lui faire du mal. Sauf que la jeune femme avait l’habitude de se méfier même du mouton qui donnait le sentiment d’être tout doux, qui montrait patte blanche. Elle avait eu l’occasion de se retrouver confronté à des problèmes parce qu’elle avait trop fait confiance, elle était beaucoup trop souvent tombée de haut. Et au vu de la situation, elle devait forcément se montrer encore plus prudente. Elle se méfiait donc forcément du jeune homme sous ses yeux, même si en un sens il lui donnait vraiment le sentiment de ne pas être un danger. Le jeune homme lui affirma qu’elle n’avait pas à s’inquiéter, qu’il ne lui voulait pas de mal.

Évidemment, à choisir, Eleonore préférait largement entendre ça, mais en même temps elle savait bien que ce n’était pas pour autant qu’elle devait baisser sa garde. Ce n’était pas parce que ce jeune homme ne semblait pas armé et lui affirmait qu’il ne lui voulait pas de mal, qu’elle pouvait baisser sa garde. Elle continua de l’observer en silence. Il ne lui disait rien, elle ne pensait pas. Et pourtant, visiblement, cette personne la connaissait. Eleonore sentit un frisson parcourir son échine en entendant le jeune homme prononcer son prénom. Comment il la connaissait ? Elle s’inquiétait forcément. Elle se demandait si ce n’était pas un allier de Edgar, qui la chercherait et qui chercherait surtout à obtenir sa confiance dans le but de l’amadouer. Forcément au vu de la situation, Eleonore se devait quand même d’être plus que prudente, elle ne pouvait pas se faire avoir bêtement et abandonner les rebelles.

« Qui es-tu ? » Demanda-t-elle en se montrant évidemment prudente.

Elle n’avait pas l’intention de baisser sa garde, c’était évident que la jeune femme ne pouvait pas se le permettre. Elle ne répondit pas à la question du jeune homme volontairement, mais en même temps, elle ne démentait pas non plus. Elle ne voulait pas le faire, parce que Eleonore ne pouvait pas s’empêcher d’être un peu curieuse, même si elle ne pouvait pas nier le fait qu’elle avait peur. Elle n’était pas rassurée, mais elle avait envie de savoir qui était ce jeune homme, pourquoi il la connaissait, ce qu’il faisait là, ce qu’il cherchait. Bref, sa question était simple, elle ne comportait que peu de mot, mais en un sens la jeune femme sous-entendait quand même énormément de chose dans cette simple question.

Effectivement, l’homme sous ses yeux n’avait pas spécialement pris la peine de se présenter. Eleonore n’avait pas l’intention de baisser la garde trop rapidement, il était hors de question qu’elle ne soit pas prudente. Surtout au vu de la situation actuelle, la jeune femme se devait quand même d’être plus que prudente, il était hors de question qu’elle se fasse avoir, elle ne pouvait pas abandonner ses amis. Au moins, le jeune homme sous ses yeux n’avait pas l’air trop agressif envers elle. Ce qui n’était pas forcément une bonne chose en soit, parce que justement il pouvait très bien chercher à obtenir sa confiance, dans le but de mieux l’attaquer ensuite.

L’homme reprit la parole, en affirmant qu’il s’appelait Michael et qu’il cherchait… son frère Victor. Eleonore fut étonné d’entendre ces mots, qui lui parlaient bien sûr. Victor lui avait déjà parlé de son frère qui s’appelait Michael justement. Elle ne connaissait pas tout de la vie de Victor, il savait seulement qu’il cherchait quand même à trouver sa famille. Que c’était même pour cela qu’il avait eu envie de rejoindre la rébellion, pour pouvoir retrouver son frère. Oui… mais en même temps, Eleonore n’était encore une fois pas sûr de pouvoir croire son interlocuteur sur parole. Elle devait se méfier, ça pouvait être quelqu’un d’autre qui mentait au sujet de son identité pour pouvoir l’amadouer.

« Je sais où il est oui. » Répondit-elle, en décidant quand même de baisser un peu sa garde. Elle avait l’intention d’être bien prudente, mais elle se permettait quand même de baisser un peu sa garde et de prendre la peine d’écouter ce que son interlocuteur avait à dire. Ça ne voulait pas dire qu’elle allait le suivre dans tous les cas, qu’elle allait lui faire confiance. Mais elle lui donnait le bénéfice du doute et elle se permettait donc de lui donner quelques informations. « Mais comment je peux être sûre que tu es bien celui que tu affirmes être ? »

Est-ce qu’il avait une preuve quelconque pour être sûr que c’était bel et bien Michael le frère de Victor ? Dans l’idée, elle pourrait très bien conduire l’homme sous ses yeux auprès de Victor, comme ça son ami pourrait lui confirmer ou non qu’il s’agissait bien de son frère. Mais en même temps, elle ne pouvait évidemment pas prendre le risque de conduire cet homme auprès des rebelles, pas tant qu’elle n’aurait pas une preuve concrète sur le fait qu’elle pouvait réellement lui faire confiance. Elle se montrait peut-être trop suspicieuse, mais au vu de leur situation il était évident qu’elle se devait de se montrer plus que prudente. Il était question de leur liberté et de leurs vies quand même.

Eleonore avait parfaitement conscience que sa question n’était pas facile du tout, qu’il n’allait pas être simple pour Michael d’y répondre et de prouver qu’il était bien le Michael frère de Victor, que ce dernier cherchait. Mais justement, c’était parce que sa question n’était pas évidente que la jeune femme décidait de la poser. Elle pourrait très bien se dire qu’elle avait vraiment le frère de Victor sous les yeux et pas seulement une personne qui prétendait l’être, mais si elle le faisait et que ce jeune homme n’était pas celui qu’il prétendait, elle s’en mordrait les doigts. Elle n’avait pas l’intention de mettre Victor et les autres rebelles en danger parce qu’elle aura décidé de faire confiance à un inconnu et de croire sur paroles ses dires. À une époque, elle aurait surement fait confiance trop tôt, trop rapidement. Mais elle avait changé depuis longtemps, elle avait prit à être plus méfiante parce qu’on ne risquait pas de s’en sortir dans ce monde si on ne se méfiait pas.

Elle ne quitta pas du regard Michael qui lui baissa ses yeux en reprenant la parole. Il donna les noms des parents de Victor et lui, Lise et Angus. Bon… il pouvait lui dire ça, elle ne savait pas comment s’appelaient les parents de Victor, il ne lui avait jamais donné leur nom. Michael mentionna un souvenir de quand le rebelle avait quatre ans, le fait qu’il lui chantait une berceuse et qu’il chantait comme une casserole. Peut-être que Victor avait mentionné ce détail, mais elle ne s’en rappelait plus. C’était évident que tout ce que Michael lui disait n’allait pas l’aider, Eleonore avait conscience que son interlocuteur ne pouvait pas avoir de réponse parfaite à sa question. Il lui préparait une espèce de purée infâme, et il ne savait pas quoi dire d’autre…

Au fond, Eleonore se concentrait beaucoup plus sur ce que l’homme dégageait en évoquant ses souvenirs, parce qu’elle aussi était une grande sœur qui avait perdu quelqu’un. Victor… Victoria. À la différence de Michael, qu’elle avait eu la possibilité de la retrouver et qu’elle connaissait son sort, son sort que rien ne pourra changer. Ce qu’elle avait sous les yeux, c’était un grand frère qui quête de sa famille, cherchant à retrouver celui qu’il avait eu à cœur de protéger pendant des années en échouant malheureusement. Si cela ne tenait qu’à elle, Eleonore prendrait sans doute le risque, mais elle avait conscience qu’elle devait être sur ses gardes.

« Je lui dirais. » Dit-elle en hochant de la tête. « Si tu es bien celui que tu prêtant être, tu comprendras que je ne peux pas juste te mener à lui, sans prendre de risque. » S’il était bien Michael, il aura forcément envie que Victor prenne le moins de risque possible. « Je vais lui dire tout ça et… » Elle marqua une pause avant de reprendre. « Où est-ce qu’on pourra te retrouver le moment venu ? »

Quand ce sera sûr qu’il était celui qu’il prétendrait, elle accompagnera avec volontiers Victor vers Michael. En espérant ne pas se tromper.

Eleonore se doutait que si Michael avait réellement les bonnes intentions vis-à-vis de Victor, ça devait être une torture pour lui de devoir attendre qu’elle retrouve Victor et qu’ils reviennent à lui. La jeune femme parvenait aisément à se mettre à la place de son interlocuteur – ce qui était un peu dangereux, elle essayait de ne pas trop le faire pour ne pas se faire manipuler –, si on lui affirmait que Victoria était quelque part, elle courait la retrouver. Ce qu’elle avait fait d’ailleurs, découvrant le pire. Il était difficile d’attendre, mais en même temps Eleonore ne pouvait pas prendre de risque. Même si Michael était le frère de Victor, celui qu’il affirmait être, elle ne pouvait pas être sûre qu’il ne soit pas à la botte de Edgar. Peut-être qu’il tenait à son frère, mais… il avait très bien pu faire un marché avec le roi, pour qu’on lui permettre de retrouver son frère en échange de la tête des rebelles. Ce ne serait pas la première fois que Edgar ferait des marchés douteux. Donc, elle se devait d’être prudente, elle ne mettrait pas tous les rebelles en danger bêtement. Ce serait plus simple que Victor retrouve son frère plus à l’écart.

La jeune femme écouta attentivement les instructions de son interlocuteur, les notant mentalement. Quelques mètres de la grande clairière, une cinquantaine de pas tout droit après le grand chêne, lever la tête… pour trouver la cabane perchée dans les arbres. Eleonore hocha de la tête, elle avait bien compris et parviendrait à le retrouver le moment venu, en espérant que ça ne soit pas un piège. Elle ne laisserait pas Victor venir seul, même si ce dernier aurait sans doute son mot à dire, mais elle était têtue de son côté aussi. Il fallait se méfier de tout le monde, même de ceux qui montraient pâte blanche. Surtout de ceux là d’ailleurs. Eleonore ne répondit rien quand son interlocuteur le remercia, c’était la moindre des choses qu’elle pouvait faire.

« Disons qu’au vu de la situation, il se porte bien. » Dans les conditions dans lesquelles ils vivaient, c’était difficile de juste affirmer qu’ils allaient parfaitement bien. Ils se débrouillaient, ils étaient vivants, c’était le principal. Pour le reste, les choses allaient évoluer rapidement l’espérait-elle. « Il… a beaucoup de caractère, je suppose qu’il en faut pour s’en sortir dans ce monde. » Pour ne pas dire que Victor pouvait être une vraie tête à claque par moment ? Mais il était jeune, il avait du caractère et se défendait de ce qu’il avait vécu comme il pouvait. Comment le lui reprocher réellement ? Même si Eleonore ne connaissait pas tout de l’histoire de Victor et Michael. « Il… se raccroche beaucoup à l’envie de te retrouver. Il parle souvent de toi. » Eleonore baissa un instant son regard. « Son souhait sera bientôt réalisé. »

Elle se sentait heureuse pour Victor, si tout se passait vraiment comme il le fallait et que le jeune homme sous ses yeux était vraiment digne de confiance. Il en avait de la chance…