Le passé est un fantôme, le futur un rêve, tout ce que nous aurons jamais est maintenant. (Orianne)

Eleonore pensait beaucoup à Daphnée depuis qu'elle avait disparu, sans qu'elle n'ait la moindre nouvelle d'elle encore pour le moment. Plus ça allait, plus la jeune femme ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'elle ne reverrait jamais son amie, qu'elle avait définitivement perdu Daphnée, comme elle avait perdu Victoria autrefois. Elle savait bien qu'elle ne devait pas se montrer trop défaitiste non plus, mais c'était difficile de garder espoir quand on se retrouvait dans une telle situation. La jeune femme n'avait aucun indice, elle ne savait pas du tout ce qu'elle pouvait faire pour retrouver son amie et surtout elle ne savait pas si elle était en vie.

Comme Nathaniel. Oh la jeune femme avait l'habitude des absences de l'homme, il faisait au gré de ses envies. C'était arrivé plusieurs fois qu'il parte, par exemple au royaume du bout de l'océan, sans prendre la peine de la prévenir. Mais là, la jeune femme ne saurait dire pourquoi, elle avait un mauvais pressentiment. Elle ne pensait pas qu'il aurait disparu comme ça, sans la prévenir, dans une telle situation. Mais en même temps elle n'était pas sans la tête de Nathaniel, elle ne pouvait pas réellement le comprendre. Elle n'était donc pas sur qu'il arrive quelque chose, mais en même temps elle était inquiète de ne pas avoir de nouvelle de la part du jeune homme. Avec la disparition de Daphnée ça faisait quand même beaucoup de chose d'un coup. Eleonore avait peur que leur situation change complètement, qu'ils perdent le peu d'avance qu'ils avaient sur le roi. Bon, ils n'avaient pas vraiment d'avance sur le roi de Féerie, mais disons qu'ils arrivaient plus ou moins à s'en sortir. Et la jeune femme avait peur que ça ne soit plus le cas, qu'ils n'arrivent plus à s'en sortir comme ils le faisaient ces derniers temps.

Eleonore s'inquiétait pour les autres. Ces autres qui étaient en train de dormir à poing fermé pendant que la jeune femme était en train de monter la garde près du feu de camp. Ce n'était pas le plus prudent, mais il faisait un peu trop frais pour qu'ils puissent se permettre de ne pas avoir de feu. Elle ne quittait presque pas les flammes des yeux, guettant quand même les bruits ambiants. Ce n'était pas le moment qu'ils soient retrouvés par les gardes du roi et enfermés au château évidemment… Elle ne savait pas comment les choses allaient se passer, mais elle n'avait de toute façon pas envie de baisser les bras. Non, ils ne devaient pas baisser les bras.

Mine de rien, monter la garde, c’était quand même devenu une habitude pour Eleonore. Comme quoi même dans une situation telle que celle-ci, on prenait des habitudes. Elle prenait l’habitude de veiller sur les autres rebelles, de faire en sorte de prendre parfois des décisions en l’absence de Nathaniel dans le but de maintenir tout le monde en vie. Elle commençait à s’y faire, même s’il était évident qu’elle n’avait aucune envie de devoir le faire encore pendant des années et des années, ce n’était qu’une passade, ce n’était qu’une période de sa vie… avant, elle ne savait quoi, elle n’avait pas spécialement envie de penser à ce qui pouvait bien l’attendre après tout cela.

Cela dit, monter la garde, ça n’avait rien de vraiment passionnant en soit. Ça arrivait bien souvent que Nathaniel et elle montent la garde ensemble, ou alors pendant qu’elle le faisait il finissait par réapparaître comme souvent – sans spécialement d’explication – et ils se lançaient dans des discussions qui pouvaient durer des heures. Ça passait le temps, c’était sûr, c’était bien mieux que de se contenter de fixer le feu en écoutant tous les bruits qu’il y avait autour. Cela dit, il semblerait que Nathaniel ne rentre pas pour le moment, ce ne fut pas lui en tout cas qui vint briser la solitude de Eleonore.

En un sens, c’était un peu étrange de faire « équipe » avec un fantôme, mais on s’y habituait vite. Orianne était une présence agréable dans tous les cas, la jeune femme appréciait vraiment qu’elle soit là. Alors qu’elle pourrait sans aucun doute faire autre chose, ne pas s’imposer la présence des rebelles. Quand bien même… ça devait être bien mieux que l’île quand même. Le fantôme s’approcha d’elle donc, Eleonore leva son regard vers elle, quand elle prit la parole.

« Pire que d’habitude tu veux dire ? » Demanda-t-elle, presque en souriant (mais elle ne le faisait presque jamais en fait il n’y avait que Nathaniel qui parvenait vraiment à lui tirer des sourires).

Eleonore avait conscience que ça faisait un moment qu’elle ne devait plus ressembler à grand-chose. En même temps, à forcer de errer dans la forêt, de ne pas avoir l’occasion de se laver autant qu’ils ne le voudraient, ce n’était pas spécialement étonnant que les rebelles ne ressemblent pas à grand-chose. Mais en même temps, la jeune femme était d’avis que même avant tout cela… elle avait de toute façon un visage bien banal, bien terne aussi. Elle n’avait pas attendu ces histoires pour ne pas inspirer la joie de vivre, contrairement à Anna d’ailleurs. Même physiquement, donc, elles étaient différentes.

Cela dit, Eleonore voulait bien croire qu’elle avait une tête pire que d’habitude oui, parce qu’elle était rongée par l’inquiétude. Elle aurait aimé que Daphnée ne parte pas sans rien dire, elle ne pouvait pas s’empêcher d’espérer qu’il ne lui soit rien arrivé du tout. Même si elle ne pouvait pas en avoir la garanti, de même pour Nathaniel a qui il était bel et bien arrivé quelque chose.

Eleonore avait conscience qu’elle ne devait pas réellement avoir une belle tête en temps normal, qu’elle faisait sans doute peine à voir. En même temps, on ne pouvait pas réellement dire qu’elle était aidée à être présentable. Alors, forcément, elle n’avait pas une très bonne tête à longueur de temps, mais elle se doutait que quand le fantôme venait la voir dans le but de lui affirmer qu’elle faisait peur, c’était que c’était pire que d’habitude.

Orianne affirma que d’habitude, elle était juste dépressive, avant de lui demander s’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas, la situation n’était clairement pas possible en réalité. Eleonore et les autres rebelles avaient sans aucun doute de nombreuses raisons de se plaindre, mais en même temps la jeune femme savait bien qu’elle devait quand même prendre sur elle et ne pas constamment se plaindre. Cela dit, c’était évident qu’il n’y avait pas grand-chose qui allait. Mais effectivement, il y avait pire. Eleonore n’était pas sûre et certaine que ça soit si utile que cela pour elle de se confier à Orianne, mais en même temps ça pouvait quand même lui faire du bien. Elle n’avait pas l’occasion de se confier à grand monde après tout, elle parlait principalement à Nathaniel, mais ça pouvait quand même lui faire du bien de se confier à d’autres personnes. Au fantôme notamment, qui ne pouvait pas entièrement comprendre ce qu’elle vivait, mais qui était quand même au cœur de toute cette histoire en tant que spectatrice.

« Je me fais beaucoup de soucis. » Dit-elle alors, parce qu’elle ne pouvait pas réellement le nier. La jeune femme n’avait de toute façon aucune envie de mentir à Orianne. Elle ne savait pas si le fantôme allait pouvoir l’aider, mais au moins elle se disait qu’elle pouvait quand même prendre l’habitude de se confier et que ça ne lui ferait pas de mal du tout. « Je me demande si Daphnée va bien. » Elle avait disparu et ils ne savaient pas du tout si c’était parce qu’elle avait décidé de partir, parce qu’on l’avait trouvé, parce qu’elle était morte… Eleonore espérait réellement qu’elle allait bien, qu’elle avait décidé de partir parce qu’elle ne supportait plus la situation, mais qu’au moins elle était vivante. « Et pour Nathaniel. »

Il n’y avait sans doute aucune raison pour qu’elle s’inquiète pour Nathaniel, parce qu’il prenait quand même l’habitude de s’en aller pendant un temps, sans donner d’explication, sans prévenir. Mais avec la disparition de Daphnée, elle ne pouvait pas s’empêcher de se faire du souci. Ce qu’elle avait raison d’ailleurs, puisqu’elle ne se doutait pas que l’homme avait été retrouvé par les forces du roi.

Le fantôme lui affirma qu’elle se faisait aussi du souci pour Daphnée, mais que partir était sans doute une bonne chose pour elle. S elle était vraiment partie d’elle-même. Eleonore n’avait aucune idée de pourquoi son amie avait disparu, même si elle priait fort pour que ça soit une décision de sa part, elle ne pouvait pas non plus être sûr que c’était bel et bien le cas. Il y avait des chances, on ne pouvait pas réellement dire que Daphnée avait caché le fait qu’elle n’appréciait pas de se trouver dans le coin auprès de Nathaniel après ce qu’il avait fait. Alors, il fallait vraiment espérait que la jeune fille soit partie d’elle-même et si c’était le cas, Eleonore se disait qu’elle pouvait aussi s’en sortir.

Pas forcément facilement, parce que la vie était difficile, ils en avaient tous fait les frais même si Eleonore avait conscience qu’elle avait quand même été chanceuse de son côté. Ils savaient donc que ça pouvait être difficile, mais la jeune femme espérait quand même que son amie allait s’en sortie, parce qu’elle était débrouillarde come ne manqua pas de préciser Orianne. Orianne qui affirma d’ailleurs aussi qu’elle ne voyait pas pourquoi il faudrait se faire du souci pour Nathaniel. C’était sans doute bête de sa part, mais le fait de ne pas avoir de nouvel du « jeune » homme alors que Daphnée avait disparu aussi avant, ça ne l’enchantait pas spécialement. Oh, Nathaniel avait l’habitude de partir assez souvent et parfois de manière prolongé, mais ça n’enlevait pas le fait qu’il y avait quand même une menace au-dessus de leurs épaules.

« Non bien sûr, il est bien plus intelligent que ça. » Dit-elle en réponse aux paroles du fantôme. Nathaniel en avait vu d’autre, beaucoup d’autre, il était évident que le « jeune » homme n’allait pas se faire avoir si facilement. Cela dit, ça ne voulait pas dire non plus qu’il était capable de contrer tous les dangers, il était quand même possible pour lui de se faire avoir. « Je le sais, mais c’est pas ce qui va m’empêcher de m’inquiéter. » Dit-elle, pour préciser un peu plus ce qu’elle ressentait, même si elle n’avait pas forcément besoin de rentrer dans les détails non plus. « On ne peut pas savoir ce qui va arriver, et le danger est partout. »

Cela dit, elle s’inquiétait pour Nathaniel, mais elle se faisait aussi du souci pour les autres. Quand elle ne se trouvait pas avec les rebelles, elle ne pouvait pas s’empêcher de se faire du souci pour eux. C’était comme ça, peut-être qu’elle se faisait trop de souci d’une manière générale, mais elle n’y pouvait rien. Elle tenait à ces personnes, elle n’avait aucune envie qu’il leur arrive quoi que ce soit. Cela dit, elle devait bien reconnaître qu’elle avait peut-être encore moins envie qu’il arrive quelque chose au « jeune » homme.

Ce serait forcément une bonne chose qu’ils puissent savoir ce qui allait se passer. Mais malheureusement, ce n’était pas le cas. Ils ne pouvaient pas connaître le futur, ce serait beaucoup trop beau sans doute. En tout cas, ils ne pouvaient donc pas connaître l’avenir et savoir comment les choses allaient se passer. Mais justement, Orianne lui affirma que c’était pour cela qu’il fallait garder espoir, parce qu’ils ne savaient pas comment les choses allaient se passer, tout en restant sur leurs gardes. Eleonore ne savait pas réellement si c’était une bonne chose comme Orianne l’affirmait mais… en même temps, il ne fallait pas qu’elle perde espoir pour autant.

Ce n’était vraiment pas facile, Eleonore ne savait pas trop comment elle allait faire pour ne pas perdre complètement espoir, mais en même temps, elle savait qu’elle n’aurait pas le choix non plus. Parce que sans Nathaniel, ils ne devaient pas complètement se laisser avoir, ils ne devaient pas baisser les bras et elle savait qu’elle avait quand même une sacrée responsabilité sur le dos. Elle ne pouvait pas se permettre de douter, c’était une évidence. Même si les paroles de Orianne lui semblaient quand même beaucoup trop facile. Elle aimerait bien pouvoir penser de cette manière et ne pas douter une seule seconde, mais c’était bien plus difficile qu’elle ne le voudrait. Elle hésita un instant à le dire d’ailleurs, à affirmer qu’elle n’était pas si sûr que cela de son côté que leur quête n’était pas perdue d’avance. Mais en même temps, la jeune femme avait conscience que si elle montrait trop de doute, elle ne risquait pas d’aider ses amis à s’en sortir. Alors, elle décida de ne rien dire, elle n’avait pas envie d’inquiéter tout le monde.

Alors, elle décida de ne pas aborder ce sujet et de parler d’autre chose. Ce n’était pas forcément un autre sujet, mais elle se permettait de se concentrer un peu plus sur Orianne que sur elle-même.

« Pourquoi tu as décidé de nous suivre ? Tu es vraiment si sûre que notre quête touchera au but ? »

Bon, elle parlait toujours du même sujet et clairement, la jeune femme semblait montrer un doute, mais elle avait envie de savoir si Orianne avait vraiment confiance en leur chance de gagner. Elle se demandait bien souvent pourquoi elle avait décidé de quitter l’île dans le but de les suivre, elle ne savait pas réellement si elle allait gagner quelque chose ou non.

Orianne sembla surprise de la question de Eleonore, mais celle-ci attendit quand même la réponse à sa question. Eleonore savait bien qu’elle devait poser trop de question, mais c’était quelque chose qu’elle ne pouvait pas s’empêcher, depuis qu’elle avait découvert que le vrai monde n’était pas celui qu’elle s’imaginait, elle avait besoin d’avoir des réponses à ses questions. Donc, elle posait ces questions. Même si Orianne n’avait peut-être pas envie de répondre. Quand elle posait des questions à Nathaniel, ce dernier répondait toujours même si elle avait conscience que l’homme ne répondait pas toujours d’une manière très juste, qu’il bordait quelque peu la vérité.

Le fantôme prit donc la parole dans le but de lui répondre et commença simplement par dire qu’elle était là simplement pour se divertir. Eleonore ne savait pas vraiment si elle avait envie d’entendre cette réponse finalement. Elle l’avait cherché, elle lui avait demandé, mais en même temps elle ne savait pas quoi penser du fait qu’elle se trouvait ici que dans le but de se distraire, de passer le temps. Mais ce n’était pas si étonnant que cela au final, après tout Orianne était morte et elle avait juste besoin de se changer les idées. Elle pouvait le comprendre donc, même si c’était particulier de se dire que Orianne se contentait juste de passer son temps.

« Et… tu vas faire quoi si jamais c’est Edgar qui gagne ? » Demanda-t-elle alors.

Orianne affirma que soit Edgar gagnait, soit eux allaient gagner, mais qu’elle espérait quand même que c’était les rebelles qui allaient gagner. Elle appréciait le soutien bien sûr, c’était une bonne chose d’entendre le fantôme affirmer qu’elle espérait quand même que c’était Edgar qui allait perdre. Elle aimait bien sûr entendre la femme affirmer qu’elle espérait qu’ils allaient gagner, mais qu’est-ce qu’il allait arriver si ce n’était pas le cas ? Mine de rien, elle se demandait quand même ce qu’allait être la non vie d’Orianne. Elle ne pouvait pas s’empêcher d’être curieuse, elle l’était de nature, pour tout.