William ▬ Long live the king

La famille Alberry a toujours existé. Du moins, c'est ce que l'on raconte, mais étant un homme pour le moins pragmatique, j'admet que tout doit nécessairement avoir un commencement et je doute que rien n'ai été là avant ma famille. Je ne l'avouerai cependant à personne d'autre qu'à moi-même, par soucis de réputation, vous comprenez ? Mes parents n'arrivaient pas à faire d'enfants et ils étaient désespérés. Alors que les années défilaient, leurs espoirs devenaient poussière. C'est alors qu'un jour, ils croisèrent le chemin d'une sorcière qui prétendait pouvoir leur offrir le cadeau qu'ils désiraient tant : un bébé. Un garçon, de surcroît, pour que notre prestigieuse famille ne tombe pas dans l'oubli. Mais comme bien des sorcières, celle-ci n'avait pas l'intention d'agir par pure générosité. Elle demanda une importante quantité d'or en échange. Pressés de me voir arriver dans leur vie, ils acceptèrent sans y réfléchir à deux fois et signèrent le contrat. A partir de cet instant, leur destin était scellé.

Le sortilège jeté, il ne fallu que neufs mois pour que j'arrive enfin. Je n'étais pas bien grand ni bien robuste pour un bébé, mais aux yeux de ceux qui avaient tellement voulu former une famille, j'étais parfait. Nous étions heureux tous les trois. Mais le bonheur n'est jamais éternel, il y a toujours un contrepoids pour faire pencher la balance. Le fait est qu'avoir un héritier changeait beaucoup de choses pour mes parents : ils avaient quelqu'un à qui tout léguer. Et il n'était pas question pour eux de me retirer ce qui me reviendrait de droit une fois en âge. Ils versèrent de l'or à la sorcière pendant quelques années malgré tout, car ils n'étaient pas malhonnêtes, mais en réalisant que la vieille harpie en demanderai toujours plus, ils décidèrent de couper les vivres. J'avais quatorze ans quand c'est arrivé. Je m'en souviens si vivement que cela aurait pu être hier.

La sorcière, mécontente de cette trahison pourtant justifiée, lança un sort terrible sur mes parents, les rendant peu à peu sourds, aveugles et muets. Pour que jamais plus ils ne puissent entendre, voir ou parler à leur fils. Le présent qu'ils désiraient tant leur était arraché et seule la pénombre solitaire s'était emparée d'eux. La folie les gagna rapidement mais comme le roi avait en haute estime notre famille, il leur trouva un établissement correct pour se remettre, de l'autre côté de l'océan. De plus, il m'autorisa (tout jeune que j'étais alors) à hériter de la baronnie et de tous les biens de mes parents. Depuis ce jour, je voue toute ma loyauté et tout mon temps au service du roi Edgar et de sa famille. De tous les barons, je suis probablement celui qui a été fait membre de la cour le plus jeune, mais à présent je suis un adulte et je n'ai qu'une chose en tête : vivre paisiblement en Féerie, aider le roi, et croiser le plus rarement ma femme épousée majoritairement pour son argent et son rang. La dernière partie de mon temps, je la consacre à mon fils : Louis, héritier d'Alberry.