Toujours se défier de qui l'on estime [pv Latika :33]

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eut-être en effet que Latika n'avait pas connu beaucoup d'hommes avant son père. Mais elle n'avait guère besoin d'en avoir connu tant que cela pour tenir lieu d'experte aux yeux de la jeune princesse tan cette dernière était inexpérimentée et ressentait le besoin d'en apprendre davantage. Que ce soit volontaire ou non, Latika plaisait aux hommes, ça c'était une certitude, la princesse voyait bien le regard que tous lui lançaient, et Minati était à peu près certaine que la fiancée de son père le savait et en jouait. Ce qu'elle n'allait pas tarder à lui prouver.

Latika lui parla de femme à femme, et c'étaient des mots qui faisaient du bien à la princesse. Son père ne cessait de al considérer comme une enfant. C'était par certains aspects assez plaisant, car il lui passait ainsi tous ses caprices, et ses crises qui n'étaient évidemment pas de celles que ferait une vraie femme. Mais en même temps, dès qu'il était question d'avoir une vraie conversation au sujet du sexe opposé, il se contentait de répéter qu'elle n'avait pas l'âge de se soucier de ces choses-là. Sauf que c'était faux, évidemment. Bien sûr qu'elle avait l'âge de s'en soucier, et son père devait le savoir, puisque certaines de ses épouses l'étaient devenues en ayant sans doute à peu près son âge, elle en était certaine. Tant pis. En même temps, ce n'était pas forcément avec lui qu'elle voulait avoir ce genre de discussion qui pourrait bien vite devenir embarrassante. Alors que Latika, elle, acceptait de lui répondre sans la moindre réserve. Et elle s'abreuvait de ses conseils comme de l'eau la plus pure en plen désert.

Donc, tous les hommes espéraient semble-t-il briller dans le regard de l'autre. Le but du jeu, c'était apparemment de les faire se sentir importants, tout simplement. Minati commençait à se dire qu'elle raisonnait peut-être comme un homme, tout compte fait, et que c'était pour cette raison que le sexe opposé ne s'intéressait absolument pas à elle. C'était elle qui attendait des autres qu'ils la considèrent comme le centre du monde, et qui demandait à ce qu'on la voie comme quelqu'un d'important.

-En temps normal, c'est moi qui exige des autres que l'on satisfasse à tous mes besoins, observa Minati sans même en rougir (car à ses yeux, il était normal qu'elle raisonne ainsi - elle était une princesse, après tout, logique qu'il en soit ainsi, pas vrai). Je ne suis pas certaine de vouloir que cela change. Les hommes ne devraient-ils pas nous considérer comme la plus belle merveille du monde. Pourquoi faut-il qu'il soit nécessaire d'ainsi ruser pour obtenir leurs faveurs ?

Même si ce n'était qu'un jeu, une vaste comédie, elle n'était pas certaine que ce soit là un jeu auquel elle veuille s'amuser à jouer, pour tout dire.

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inati appréciait le discours de Latika, pas pour les propos qu'elle tenait en eux-mêmes et qui devaient la remettre à sa place de femme qui devait, pour obtenir un semblant de pouvoir, faire mine de se soumettre, mais parce que la jeune femme acceptait de lui parler très librement de ce sujet que personne ne voulait aborder autrement avec elle. La princesse avait l'âge de s'intéresser aux garçons, mais on décidait malgré tout de l'enfermer dans sa bulle et de ne rien la laisser faire, et honnêtement, elle en avait assez. Elle était en droit de connaître ces choses-là. Mais en parler à son père et à sa mère était impensable, à chaque fois qu'elle cherchait à aborder le sujet avec elle, ils l'envoyaient sur les roses ou lui assuraient qu'elle avait le temps de voir venir. Oui, enfin... en attendant, elle avait dix-sept ans, maintenant, et certaines des épouses de son géniteur n'étaient pas beaucoup plus âgées qu'elle, alors quoi ?

La stratégie de Latika était donc simple. Il n'était pas question de s'estimer inférieure aux hommes, il s'agissait de le leur faire croire, pour brosser leur égo dans le sens du poil jusqu'à ce qu'ils cèdent à tous vos caprices, avoir le contrôle tout en laissant croire à l'homme que c'est lui qui commande. C'était une sorte de dosage subtil, donc, et qui était encore relativement étranger à Minati. Bon, la jeune femme avait un peu de bouteille avec son père, au sens où elle s'y entendait tout de même pour le caresser dans le sens du poil l'air de rien quand cligner des yeux ne lui suffisait pas à obtenir ce qu'elle voulait... mais dernièrement, ça n'avait pas l'air de fonctionner si bien que ça non plus. Peut-être que le fait qu'elle soit justement en train de devenir une femme jouait aussi. Elle devait faire oublier qu'elle en était une et jouer les petites filles pour obtenir gain de cause. Soit, mais ce jeu ne l'amusait plus. Elle voulait être considérée comme une femme, si ce n'est à l'égale de Latika, tout du moins s'en rapprochant. Mais ça semblait l'océan à boire.

-Pour ça, il faudrait déjà que mon père me laisse en approcher, remarqua tout de même Minati, un peu amère, quand Latika lui affirma qu'elle allait devrait apprendre à satisfaire les hommes. Soit, mais comment faire quand on lui refusait constamment leur compagnie ? Il me considère encore comme si j'étais une petite fille.

Et c'était frustrant. Latika, elle, le voyait bien, qu'elle était une femme, pas vrai ? Sans quoi elle ne lui donnerait pas tous ces conseils, n'est-ce pas ? C'était en tout cas de cette manière que la princesse décidait de voir les choses.

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inati savait bien au fond que Latika avait tout à fait raison, qu'il s'agissait effectivement de ça : son père n'avait pas envie de la perdre, il n'y avait pas à chercher plus loin. Mais même en sachant cela, l'adolescente avait bien du mal à accepter son comportement, partagée entre son rôle d'adolescente-enfant qui voulait toujours être la petite princesse de son père et la jeune femme qui avait envie de plaire, de prouver et de se prouver qu'elle était capable de faire tourner la tête des hommes. L'adolescente savait que si son père lui accordait plus de liberté et d'indépendance, elle ne serait pas totalement heureuse, car cela signifierait qu'il ne serait plus prêt à se mettre en quatre pour elle... C'était compliqué de trouver ce juste milieu qui lui garantisse la totale affection d'un père et en même temps la perspective de se prouver qu'elle était une vraie femme, un sujet qui la travaillait forcément à l'âge où le regard du sexe opposé sur elle avait un vrai impact et ne la laissait plus indifférente. Dans tous les cas, la princesse estimait que ce n'était pas à son père d'être prêt mais à elle. Lui ne devrait pas avoir son mot à dire sur la question, mais visiblement c'était plus fort que lui...

Ce que Latika ajouta lui plaisait davantage. En effet, ce que faisait son père ne pouvait pas lui faire de mal. Mais comment faire pour que son père ne sache rien ? Les possibilités n'étaient pas illimitées au sein du palais, et son père connaissait tout le monde. Un jeune serviteur un peu aventureux se ferait exécuter dans l'instant si l'on apprenait qu'il aurait osé ne serait-ce que poser les yeux sur elle. Ce ne pouvait pas forcément en valoir la peine... Et comment rencontrer d'autres garçons sans que son père n'en sache rien ? Forcément, Minati brûlait de poser la question à sa soeur de coeur, mais elle n'en eut guère le temps car cette dernière reprit la parole, et les mots qu'elle prononça lui laissèrent penser que sa question pouvait attendre. Fait très rare chez elle, elle s'intéressait bien davantage en cet instant à ce que son interlocutrice pouvait bien vouloir dire qu'à ses propres considérations. Autant dire que c'était une chose loin d'arriver bien souvent en temps normal.

Pour elle, ne pas donner son coeur en entier n'était pas bien difficile, elle ne pensait pas qu'elle en serait capable même si on le lui suggérait. Elle était bien trop égoïste. Faire passer les intérêts de quelqu'un d'autre avant les siens propres lui paraîtrait proche d'inconcevable, en réalité. Mais elle avait le sentiment que Latika ne disait vraiment pas cela de manière anodine, et qu'elle parlait, très clairement même, d'expérience.

-Tu as déjà donné ton coeur en entier à un homme ?

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inati avait beau adorer Latika et la considérer comme une grande soeur, elle ne pouvait pas prétendre savoir quoi que ce soit d'elle au bout du compte. De manière générale, elle était plutôt ignorante de nombreuses choses la concernant. Les informations se diffusaient au compte-gouttes, comme le fait, par exemple, qu'elle avait plusieurs frères, mais en fin de compte, de ce qu'avait été la vie de la jeune femme avant qu'elle ne trouve sa place au palais et ne devienne la fiancée du sultan, elle ne savait absolument rien. La princesse, forte de ce constat, était aujourd'hui bien décidée à satisfaire sa curiosité. Elle avait le plus grand besoin de savoir, de comprendre à qui elle avait affaire. Qui était cette femme qu'elle trouvait certes fascinantes, mais concernant laquelle il restait tant de zones d'ombre ?

Même quand elle acceptait de lui répondre, ce n'étaient jamais que des demi-réponses, qui ne permettaient pas d'en savoir beaucoup plus. Mais Minati prenait ce qu'elle obtenait, avec à l'esprit l'idée de demander des clarifications ensuite. Ne pas lâcher l'affaire jusqu'à obtenir gain de cause, c'était son truc, après tout. Donc, une fois, elle avait donné son coeur à un homme, et elle l'avait amèrement regrettée. Elle s'était sentie trahie, elle s'était sentie rejetée... Est-ce que ce n'était pas comme ça que s'achevaient toutes les grandes histoires d'"amour" ? Parfois, Minati se posait sincèrement la question. En tous les cas, cela soulevait bien des questions dans l'esprit de Minati. Elle sentait qu'il y avait là une histoire trépidante à raconter, et la princesse n'avait pas vraiment envie de laisser son interlocutrice tranquille tant qu'elle n'aurait pas délivré tous les détails de cette terrible histoire.

-Bien sûr que je le sais déjà, s'enorgueillit la princesse quand Latika lui rappela qu'on était jamais mieux servi que par soi-même.

Ce n'était pas tout à fait vrai. Non, c'était une chose que Minati était loin de parfaitement savoir. Dans le cas contraire, elle déploierait plus d'énergie à gagner en autonomie et en indépendance plutôt que de se réfugier dans le giron de son père à la moindre occasion... mais passons. Elle n'allait certainement pas assumer cela ou se remettre en question ici et maintenant, ce serait bien mal lui ressembler.

-Parle-moi de cet homme que tu as aimé ? Il était comment ? Vous vous êtes rencontrés comment ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

Si Latika pensait vraiment que Minati n'allait pas lui réclamer toutes les précisions du monde, elle se trompait évidemment lourdement. Forcément qu'elle allait le lui demander. La petite fouineuse n'était pas capable de faire autrement. Alors oui, elle avait toutes ces questions à l'esprit, et elle espérait bien qu'elle aurait sa réponse pour chacune d'entre elles.

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inati aimait les grandes et belles histoires d'amour. Elle avait peu d'espoir, mais elle ne désespérait pas de vivre la sienne un jour ou l'autre. En attendant, elle aimait entendre ces histoires et s'en abreuver un peu comme ces romans de la grande bibliothèque familiale qu'elle dévorait, bien souvent dans le dos de son père car on ne pouvait pas forcément dire que certains de ces ouvrages avaient vocation à favoriser son instruction. Bien sûr, elle s'intéressait tout particulièrement aux histoires de Latika et à ce qu'elle pouvait bien lui apprendre de celui qui avait été son premier grand amour.

Un homme beau et charmeur, dont Latika était tombée immédiatement amoureuse. Minati ne pouvait s'empêcher de trouver cela particulièrement émouvant et romantique. Elle aussi avait désespérément envie de croire au coup de foudre, de penser qu'il était possible de juste croiser le regard d'une personne pour qu'il change votre vie pour toujours. Cela ne lui était jamais arrivé. Cela ne lui arriverait probablement jamais. Toujours est-il qu'elle se demandait ce que l'on ressentait plus profondément, ce qui se passait au fond de notre coeur, de quelle manière on devait l'endurer, l'appréhender... Etait-ce seulement beau ? Etait-ce douloureux, aussi ? On disait souvent que l'amour finissait mal, et la jeune princesse devinait que, dans le cas de la belle Latika, son histoire d'amour tumultueuse avait en effet mal fini... Il fallait bien que ce soit le cas pour avoir finalement décidé d'épouser son père. Ce n'est pas qu'elle n'aimait pas son père, mais il fallait regarder la vérité en face, et il n'avait tout de même rien d'un prince charmant, clairement pas, même.

Minati sentait son coeur se serrer, son sourire s'effacer et son visage se décomposer alors que Latika lui apprenait ce qu'avaient été les réelles intentions de ce véritable salaud (oui, à ses yeux, il n'y avait pas d'autre mot). Il s'était joué d'elle, il l'avait trahie, il n'en avait qu'après sa fortune ! Minati était profondément outrée de découvrir cela... C'était d'une injustice monstrueuse, et elle comprenait combien Latika avait dû en souffrir. Ce n'était vraiment pas juste... Et elle espérait qu'il avait payé pour un tel vol impardonnable (et encore la jeune femme n'avait pas idée d'à quel point il l'était).

-Le salaud ! Oui, c'était sorti tout seul. Oh, Latika, je suis tellement désolée... Mais ce n'est pas juste ! Il doit payer pour ce qu'il t'a fait. C'est un voleur, les voleurs doivent avoir les mains coupées. Je peux mettre les meilleurs hommes du royaume à sa poursuite, tu sais... il suffit que tu le demandes.

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