Les pères trop complaisants font les enfants ingrats [Papaaa]

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inati avait si bien su reprendre ses vieilles habitudes au sein du palais qu'elle serait presque capable d'en oublier l'épisode sinistre qui l'avait conduite si loin de sa cage dorée et exposée à la plus horrible des situations (à ses yeux, du moins). En fait, parfois, elle avait presque le sentiment que ce moment qu'elle avait passé aux mains de Clifford n'avait jamais été qu'un mauvais rêve... La seule chose qui devait lui rappeler de façon certaine et persistante que son calvaire avait été réel, c'était sa déception à l'adresse de Gorav, qu'elle ne savait définitivement pas pardonner pour ce qu'elle avait découvert à son sujet. Lui, le beau et grand chevalier blanc tombé de son piédestal.

Enfin, fort heureusement, pour se remettre de ces déplaisantes émotions, elle pouvait compter sur ces bonnes vieilles habitudes revenues au grand galop dès son retour au palais. Le luxe et le confort avaient tôt fait de dissiper la brume de n'importe quel cauchemar. La jeune femme, depuis son retour, était d'autant plus insupportable, d'ailleurs. Le fait d'avoir été privée, même peu de temps, de tout ce qu'elle chérissait le plus lui avait forcément donné envie de tout récupérer immédiatement, sans faire de compromis ni de concessions pour ce faire. Heureusement, pour accéder au moindre de ses désirs, elle pouvait compter sur son très cher père, qui lui concédait à peu près tout du moment qu'elle le lui demandait d'un ton légèrement suppliant, en battant des cils. Et d'ailleurs, ce n'était pas vraiment en toute innocence qu'elle avait décidé de rejoindre les appartements de son père, ce jour-là. Avoir vu la robe que Latika comptait porter le jour de son mariage avait attisé la jalousie de la miss qui espérait bien être plus élégamment vêtue encore que la reine des festivités le moment venu. Elle adorait Latika, pourtant, mais que voulez-vous, on ne se refait pas. Elle avait besoin d'avoir le meilleur, et quand quelqu'un obtenait mieux qu'elle, eh bien, elle ne le vivait pas forcément très bien. Elle n'y pouvait rien, c'était un fait, c'était comme ça...

-Papa, je peux te déranger un peu ? demanda-t-elle avec ce ton habituel de fille modèle à qui on ne peut et ne doit rien refuser, surtout.

Il était peut-être très occupé, mais même si c'était le cas, la princesse estimait que tout ce qu'il pouvait bien faire pouvait attendre.

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n sourire radieux décora les lèvres de Minati quand son père lui confirma avoir du temps pour elle. Oh, pour tout dire, elle n'en avait pas réellement douté, jusqu'ici, à une exception près qu'il avait réparée depuis (à savoir le retour de Gorav au palais, mais à présent qu'elle en savait davantage sur lui, la jeune femme n'était pas certaine d'avoir bien fait, au bout du compte), son paternel ne lui avait jamais rien refusé : il suffisait qu'elle batte des cils pour qu'il cède à tous ses caprices, et des caprices, la princesse n'en manquait jamais. Une lubie après l'autre, à force d'obtenir tout ce qu'elle désirait, elle aimait aussi tester les limites de son sultan de père, quitte à lui demander l'impossible...

Et jusqu'ici, pas d'impossible que le sultan n'ait pas accompli pour elle... et en l'occurrence, ce qu'elle comptait lui demander ne représentait part... encore que si l'inspiration lui venait, il était bien probable qu'elle en réclame encore davantage, mais ils n'en étaient pas là pour l'heure. Non, pour le moment, l'homme consentait seulement à se rendre disponible et attentif aux caprices de sa fille, et Minati, ravie d'accaparer si bien l'attention de son père (art dans lequel elle estimait excellait) était bien évidemment encouragée dans sa lancée.

-Latika m'a montré la robe qu'elle porterait à son mariage, commença-t-elle en guise de préambule... La cérémonie approche, et je n'ai que des vieilles choses à me mettre, observa-t-elle d'un ton qui n'oubliait pas d'être un tantinet plaintif, puisque le but de la manoeuvre était plus ou moins de suggérer qu'elle ne survivrait pas à l'absence d'une robe de luxe.

Son escapade dans le monde extérieur, sa confrontation à la misère, auraient certainement dû lui apprendre la valeur des choses et lui faire comprendre combien elle était chanceuse, à la vérité, d'avoir tout ce qu'elle possédait, et lui faire bien sûr relativiser l'importance des biens matériels... Mais non, si son enlèvement lui avait appris une leçon, c'était de ne pas accorder sa confiance à n'importe qui (et là encore, elle avait retenu cette leçon de manière très relative puisqu'elle avait aveuglément confiance en Latika), mais certainement pas de se priver de toutes ces belles choses qui lui avaient tant manqué durant le laps de temps qu'elle avait passé loin de sa cage dorée.

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e visage de Minati s'illumina, et un grand sourire dévora la moitié de son visage quand elle entendit son père lui affirmer qu'il acceptait de lui offrir une nouvelle robe. Bon, pour être tout à fait honnête, elle n'avait pas réellement douté du fait que son père serait bel et bien d'accord d'accéder à sa requête... La force de l'habitude, il ne lui refusait quasiment jamais rien. Mais pour le coup, la jeune femme s'emballait sans doute trop vite. Elle s'imaginait déjà parader dans la robe la plus somptueuse que l'on pourrait imaginer, à faire pâlir de jalousie toutes les filles des environs...

Mais il y avait un mais. Et l'ennui, qui n'était pas des moindres, c'est que la princesse n'était pas du genre à accepter des "mais", et à faire des concessions... La jeune femme ne voyait pas l'intérêt de se faire offrir une nouvelle tenue, même très jolie, si cette dernière ne devait pas être le clou de la soirée... D'accord, son père avait raison, bien sûr, la reine de la soirée, c'était Latika... Mais Latika, de toute façon, était si belle et charismatique que même le plus pauvrement vêtue, ce serait quand même vers elle que tous les regards se tourneraient. Alors elle ne voyait pas le mal à vouloir rivaliser d'élégance avec la future mariée.

-Et alors ? Je vois pas où est le problème, répondit Minati avec la plus grande des mauvaises fois.

La jeune femme savait très bien ce qui retenait son père, mais elle avait quand même l'intention de plaider sa cause quoi qu'il advienne. Elle était du genre obstinée. Et il le savait. Elle n'avait clairement pas l'intention de lâcher l'affaire de sitôt, et comptait bien le faire comprendre à son sultan de père.

-Elle va peut-être être ta femme, mais moi je suis ta fille. C'est normal que tu m'offres ce qu'il y a de mieux, non ? répondit-elle, totalement sûre d'elle.

Et sûre d'elle, elle l'était, comme elle était sûre de ses arguments. Pourtant, le sultan avait d'autres enfants, mais elle savait pertinemment que de tous, elle était la favorite, et elle n'oubliait jamais d'en jouer et de le rappeler. Elle voulait être le joyau par excellence, et celle qui comptait plus que tout pour son père, à qui il ne pouvait rien refuser. Elle avait envie de croire que c'était le cas. Et le rappeler à son père n'était pas un souci, loin de là. Plutôt une obligation, dans son cas.

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e sultan avait toujours offert le meilleur à sa fille, cela, Minati ne pouvait pas le nier, et c'était bien, d'ailleurs, parce que son père ne lui avait jamais rien refusé - ou presque - et n'oubliait jamais de la combler des plus beaux cadeaux qu'elle avait fini par considérer cela comme un acquis. Aussi, elle ne considérait pas que, sous le prétexte que jusqu'alors, elle avait toujours obtenu les plus belles choses qu'elle pouvait s'arrêter en si bon chemin ou faire une exception, pour cette fois... Non, aucune exception n'était permise, et elle avait la ferme intention d'insister, encore et encore, jusqu'à obtenir gain de cause. Bien sûr, c'était tout sauf une méthode digne ou acceptable, mais en même temps, la princesse n'avait jamais joué dans les règles de l'art. Elle était constamment obligée de tricher (ou estimait l'être, en tout cas), et cette fois ne devait pas du tout faire exception.

Alors oui, il ne lui disait pas "non", mais il lui disait "mais", et à ses yeux, ce n'était pas moins insultant qu'un refus catégorique. Bien sûr qu'en dans tous les cas, elle savait qu'à la fin de cette conversation, elle obtiendrait une robe aussi élégante que somptueuse, mais ça ne lui suffisait pas du tout. Elle voulait ce qu'il y a de mieux, un point c'est tout. Bien sûr que son père avait des bons arguments, et elle pouvait bien reconnaître que pour l'occasion, Latika devait être la reine de la soirée, mais elle, elle n'avait pas envie d'être, en retour, transparente.

-Latika sera toujours le centre des attentions même si elle s'habillait avec un sac, grommela Minati, qui n'avait pas envie de lâcher le morceau. De toute façon, ce n'était pas son genre. Elle avait une stratégie bien aboutie, qu'elle avait développée avec le temps et dont elle n'était pas peu fière (même si elle était très facile) : soit elle obtenait directement gain de cause. Soit elle boudait jusqu'à obtenir son dû. Je voulais juste... être un peu jolie.

Bien sûr, elle cherchait à le prendre par les sentiments, elle ne faisait que ça, et elle ne voulait pas éprouver le moindre scrupule à agir de la sorte. Encore, pour le moment, elle agissait sobrement. Elle n'avait pas encore sorti les fontaines de larmes (car Minati était très douée pour pleurer sur commande)... ça viendrait peut-être plus tard.

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inati, si c'était pour servir ses intérêts et obtenir ce qu'elle désirait, possédait un talent tout particulier pour ce qui était de s'inventer des complexes qui en réalité n'existaient pas réellement. La jeune fille ne s'était jamais trouvée vraiment laide. Il faut dire qu'on lui répétait suffisamment qu'elle était belle, que ce soit par conformité que parce qu'elle était partie à la pêche au compliment que cette pensée avait su se faire une bonne place dans son esprit. Mais pas au point, tout de même, qu'elle ne doute pas parfois de son apparence. C'était de son âge, en même temps... son corps n'était plus tout à fait le même maintenant, elle avait pris des formes, le genre de choses qui plaisaient peut-être, et surtout, Minati s'intéressait de plus en plus aux garçons (même si elle s'était choisi pour fantasme le fruit de toutes ces déceptions, en plus d'être un homme bien trop âgé pour elle). Alors de temps à autre, il lui arrivait bel et bien de trouver qu'elle n'était peut-être pas assez jolie, qu'il lui manquait ceci ou cela. C'étaient des considérations qui vous prenaient de court quand vous ressentiez tout à coup le besoin de plaire.

Et même si elle adorait Latika et qu'elle la considérait un peu comme une grande soeur (tant pis pour ce que cela avait forcément d'un peu glauque, vu qu'elle allait épouser son père, mais ce n'était jamais qu'une formalité, ce n'est pas comme si c'était le premier mariage de son père auquel Minati assistait), c'est vrai qu'en comparaison de cette femme somptueuse, et qui ne semblait avoir aucun défaut, elle avait quand même le sentiment de ne ressembler à rien. Pour le coup, ce n'était pas une exagération...

Latika avait cette sorte de magnétisme qui faisait qu'elle ne pouvait qu'être admirée, désirée, ou jalousée, mais jamais laisser personne indifférent. Difficile de ne pas se sentir transparent à côté. Et pour quelqu'un comme elle, qui adorait accaparer l'attention ça n'avait évidemment rien de bien simple. Minati afficha une moue peu convaincue quand son père lui affirma que si, elle était très belle, et qu'elle n'avait absolument pas besoin d'une tenue d'apparat exhubérante pour l'être.

-Tu dis ça parce que t'es mon père, ça compte pas, répliqua-t-elle alors, toujours cette même moue sur le visage.

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e sultan avait beau être son père, il était aussi un homme. Certes, c'était en effet difficilement contestable, en réalité... Mais pour Minati, son père serait toujours son père et sans doute pas un... homme à part intérieur. Et puis bon... elle n'allait pas le lui dire tel quel parce que ce serait quand même contreproductif, mais bon... son père était... enfin... vieux, quoi. Donc ce n'était pas forcément sur son opinion à lui qu'elle comptait pour reconnaître qu'elle n'était pas complètement laide... pas qu'elle le pense, mais pour le bien de son argumentaire, elle comptait bien ne pas lâcher l'affaire et poursuivre sur cette lancée aussi longtemps que possible. Jusqu'à ce qu'il lui cède ce qu'elle voulait, en somme... Elle n'était pas habituée à déployer tant d'efforts pour obtenir gain de cause, mais ce n'était clairement pas ce qui l'arrêterait pour autant.

-Te faire culpabiliser ? Jamais je ferais un truc pareil ! mentit-elle pour commencer en espérant être convaincante. Même si elle savait bien que son père n'était quand même pas le dernier des imbéciles. Personne ne m'a rien dit, répliqua Minati, une moue vexée sur le visage. Justement, c'est ça le truc, personne ne me dit jamais rien. Si quelqu'un s'intéresse à moi, c'est parce que je suis la princesse et que je suis une cible facile. T'es le seul à me dire que je suis magnifique, personne d'autre m'a jamais dit ça et... le prends pas mal, mais quand ça vient de toi, c'est pas pareil.

Ce n'était pas vraiment un mensonge. Elle n'avait pas le sentiment qu'elle puisse accorder de véritable crédit au moindre compliment qu'on lui ait fait. Elle ne s'en plaignait pas en temps normal mais... c'est sûr qu'elle n'avait pas spécialement besoin de mentir. Et après s'être royalement fait prendre pour une idiote par Gorav, c'est vrai qu'elle oubliait un peu de faire confiance en la gente masculine. Et elle se disait que ça valait certainement mieux. En même temps, si elle tenait temps à avoir une nouvelle robe, ce n'était même pas spécialement pour plaire aux garçons, à vrai dire. C'était juste... ce qu'elle voulait, voilà tout.

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inati choisit de se taire, considérant que cela valait très clairement mieux, quand son père affirma qu'il ne voulait pas que quelque homme que ce soit lui dise qu'elle était magnifique... qu'elle était trop jeune pour ça. Trop jeune, trop jeune, tout était relatif. Elle avait dix-sept ans, elle allait doucement sur ses dix-huit. Toute adolescente qu'elle était (et clairement, elle en adoptait encore largement le comportement), elle était largement en âge de s'intéresser à la gente masculine et aussi, le pensait-elle, à attiser l'intérêt de cette dernière.

Sans que plaire soit sa priorité absolue, elle apprécierait malgré tout de savoir attirer les regards. Pas que subir une convoitise accessive ne soit un rêve pour elle, mais elle voudrait au moins être considérée comme une belle jeune femme. Comme on ne pouvait s'empêcher, en regardant Latika, de la trouver tout simplement sublime. Oui, vraiment, elle n'était plus si jeune, et elle avait envie d'être belle, il n'y avait pas grand-chose de plus à comprendre... Et il semblait que cette information, son père, sans totalement la tolérer, l'avait tout du moins assimilée. Et c'était tout ce qu'elle demandait. Il fallait bien qu'il s'y fasse dans tout le cas, c'était bien évidemment le plus simple. C'était sûrement un truc de papa, de ne pas vouloir voir leur enfant grandir, mais il allait bien falloir qu'il se fasse une raison. Et encore, elle ne fricotait pas à droite et à gauche comme pouvait le faire certaines demoiselles moins civilisées de son âge. Alors c'était sans doute mieux comme ça.

Dans tous les cas, la princesse avait obtenu précisément ce qu'elle voulait, et c'était au final tout ce qui comptait pour elle : elle avait voulu sa robe, elle aurait sa robe, peu importe ce qui avait accompagné autrement leur conversation jusqu'alors. Un gigantesque sourire illumina le visage de Minati. Oh, au fond, elle n'avait pas vraiment douté d'obtenir ce qu'elle voulait, parce que jusqu'alors, à quelques très rares exceptions près, la jeune femme avait toujours obtenu ce qu'elle voulait de la part de son géniteur. Et elle comptait bien faire ce qu'il fallait pour qu'il en soit toujours ainsi... avec moins de négociations, peut-être, la prochaine fois. Minati sauta dans les bras de son père pour le remercier, consciente que la voir heureuse était une de ses principales motivations.

-Merci, merci, merci ! Tu es le meilleur papa du monde. Tu le sais, ça, pas vrai ?

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inati afficha un sourire en coin quand son père confirma avoir conscience d'être le meilleur père au monde. En même temps, elle le lui répétait bien assez pour peu qu'il daigne lui accorder ce qu'elle voulait (et c'était presque constamment le cas) pour qu'il ait pu et su intégrer l'information. Et au-delà de cela, il était tout à fait certain qu'Adarsh Raddhal n'avait besoin de l'opinion de personne pour avoir conscience de ce qu'il valait. Pour certains, cela passerait pour de la prétention, mais la princesse ne l'entendait absolument pas de cette oreille.

Minati, elle, estimait seulement que son sultan de père était honnête envers lui-même, et conscient de sa valeur, ce qui ne pouvait qu'être essentiel quand on était à la tête de tout un royaume. Oui, même si Minati pouvait choisir de ne pas être tendre avec lui, son père restait un exemple à ses yeux. Loin de se douter de tout ce qui pouvait se dire sous cape le concernant (même si sa petite virée à l'extérieur et les propos de Clifford l'avaient forcément contrainte à ouvrir les yeux sur certaines choses - ce qui ne l'avait qu'encouragée à les refermer aussitôt, à vrai dire), elle considérait que ce royaume ne pourrait espérer plus digne sultan, en réalité.

-Pas le pire, répondit Minati d'un ton amusé quand son père suggéra que s'il avait osé lui tenir tête plus longtemps, elle l'aurait érigé en tyran et en père indigne. Il avait parfaitement raison.

Minati était d'un naturel exigeant, oui, et quand elle n'obtenait pas ce qu'elle voulait, eh bien... elle pouvait se montrer franchement mauvaise et désagréable, dire des mots qui pouvaient dépasser sa pensée. Mais évidemment, il n'était pas question pour elle de l'admettre, quand bien même il n'y avait rien à admettre exactement. Il la connaissait, il savait qui elle était, et quelles étaient ses habitudes. Mais bon, ils ne faisaient que plaisanter, de toute manière. Les reproches du père n'étaient pas vraiment sincères, alors la réponse de la fille n'avait pas non plus besoin de l'être, en fin de compte.

-Mais tu aurais perdu des points, se contenta-t-elle donc d'ajouter d'un ton presque innocent, mais qui n'aurait pu tromper personne. Et le sultan encore moins.

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inati se contenta de conserver son sourire innocent aux lèvres quand son père répliqua un simple "Tu m'en diras tant" qui en disait long, preuve qu'il n'était pas complètement crédule non plus. Si la jeune femme ne pouvait prétendre qu'elle n'appréciait pas que son père cède constamment à tous ses caprices, le fait est qu'elle ne l'aimerait pas moins s'il devait lui tenir tête. Bon, elle lui ferait sacrément la gueule, ça c'était une certitude, parce que c'était dans sa nature, tout simplement, mais rien n'ôterait le fait qu'elle aimait immensément son père, qui à ses yeux était le meilleur père du monde. Il ne se contentait pas de lui offrir tout ce qu'elle voulait en compensation de tout autre effort parental, il la gâtait, oui, mais en plus de lui offrir tout ce qu'elle souhaitait, il lui adressait également du temps, de l'attention...

Il n'oubliait jamais de parler avec elle, de se soucier de son bien-être, de s'assurer qu'elle ne manquait de rien, et quand elle avait disparu, elle savait qu'il aurait retourné ciel et terre pour la retrouver. Manquant absolument d'objectivité, Minati ne se rendait pas forcément compte du fait que son père n'avait rien d'un bon sultan. En revanche, elle était aux premières loges pour affirmer qu'Adarsh Raddhal était un excellent père et que tous les enfants du monde auraient bien raison de se battre dans l'espoir d'avoir le même. Alors, ces histoires de points, c'était bien évidemment des sornettes. Elle était d'ailleurs plus heureuse de partager un moment de complicité avec son père que d'avoir une robe époustouflante à porter au cours du futur mariage de son géniteur avec Latika. Ceci dit, quand même, elle la voulait, cette robe, et elle était bien heureuse de n'avoir pas cédé pour obtenir enfin gain de cause.

-Tu sais papa, j'ai vraiment hâte d'être au mariage. J'adore Latika, elle est vraiment géniale avec moi.

Minati n'était pas du genre possessive, ça ne dérangeait pas du tout la jeune femme que son père ait d'autres épouses que sa mère, c'était comme ça, et elle n'y voyait pas d'inconvénient (surtout que quoi qu'il arrive, sa mère aura toujours été la première). Seulement, c'était la première fois qu'une des prétendantes de son père s'entendait aussi bien avec elle.

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inati n'aurait jamais cru que l'un des mariages de son père deviendrait un événement qu'elle attendrait avec grande impatience, auquel elle aurait vraiment hâte de participer. C'est que son père en avait pris plus d'une, d'épouse, depuis sa mère, et Minati en avait vu, des mariages. A chaque fois, elle avait considéré cela avec une saine indifférence, quand ce n'était pas avec un léger mépris, en fait. Mais là, ce n'était pas la même chose, Latika, elle était différente, et elle avait l'impression que même son père s'en rendait compte, que lui non plus ne la traitait pas de la même manière que ses autres épouses...

Bon, sauf sa mère, mais en même temps, avec sa mère, ce n'était pas pareil. Après tout, elle avait été la première, ça faisait tout de même une grosse différence. N'empêche que, concernant cette dernière, c'est vrai que la princesse l'avait rarement vu à ce point serrer les dents à la perspective d'un nouveau mariage. Pourtant, elle était habitué à voir son mari lui présenter de nouvelles fiancées, mais avec Latika, il y avait de toute évidence un truc, et ça ne passait juste pas.

Minati avait baigné dans ce climat trop longtemps pour comprendre ce qui dérangeait vraiment sa mère, tout comme elle ne réalisait qu'à moitié que le fait que Latika et elle soient si proches l'agaçait prodigieusement. Elle l'avait compris en partie, parce qu'elle en jouait, parfois, mais pas au point de s'imaginer que cela puisse vraiment lui faire du mal, cela dit, et c'était un tort, pour le coup. Minati était souvent dure avec sa mère, surtout parce que, contrairement au sultan, elle ne cédait pas à tous ses caprices, mais elle n'avait aucune idée de la souffrance que ça pouvait éventuellement engendrer.

-Tu sais bien que maman est jamais contente, répondit alors Minati comme si elle énonçait une vérité générale. Je comprends pas pourquoi elle est comme ça avec Latika, pourtant elle a rien contre elle, elle.

Bon, Latika lui avait déjà laissé entendre que le comportement de l'ancienne épouse du sultan l'agaçait, mais en même temps, ce n'était pas anormal, c'était même logique vu qu'elle était toujours regardée de haut, considérée avec mépris et dédain. La rivalité, c'était une chose que Minati ne connaissait que dans une moyenne mesure. Et elle s'en passait très bien.

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darsh avait beau dire, Minati n'arrivait pas à comprendre que sa mère puisse être jalouse de Latika. Bon, objectivement, n'importe qui pouvait être jaloux de Latika, Minati elle-même n'échappait pas à la règle, d'ailleurs : elle enviait son assurance, sa beauté... Possible que ce soit pareil pour sa génitrice, mais la princesse considérait vraiment que la première femme du sultan avait passé l'âge de ce genre de futilité. Elle était la première, qu'est-ce qu'il lui fallait de plus ? Puis, il faudrait sans doute que Minati en apprenne davantage sur l'amour et ses subtilités pour mieux comprendre le problème.

En attendant, ça ne servait à rien, ce n'était pas en se braquant que le sultan allait se détourner de Latika, ce serait sans doute plus efficace de faire des efforts de son côté pour changer la donne. Et puis, Minati, peut-être parce qu'elle manquait d'objectivité sur la question, continuait de penser que sa mère resterait la favorite de son père quoi qu'il arrive. Elle avait vu passer toutes les épouses du sultan, elle n'avait jamais réagi comme ça...

Quant à sa propre responsabilité, elle comptait bien la rejeter fermement, évidemment. Minati n'allait pas faire semblant de ne pas apprécier Latika juste pour faire plaisir à sa mère. En plus, c'était normal que le courant passe mieux avec Latika, cette dernière ne passait pas son temps à la remettre à sa place et à l'enguirlander. Si la première femme du sultan se montrait plus souple à son égard, elle aurait peut-être aussi moins de raisons de se montrer jalouse, au bout du compte.

-Oui ben, si elle était pas aussi casse-bonbons, ce serait déjà moins compliqué, affirma Minati, renfrognée, les bras croisés.

Il ne fallait bien évidemment pas attendre après la princesse pour espérer la moindre remise en question. Minati était juste horriblement bornée, et quand elle distinguait les problèmes, elle n'acceptait jamais de voir qu'elle en faisait grandement partie. La plupart des problèmes qu'elle était à même de souligner n'étaient définitivement pas étranger à son caractère de gamine pourrie gâtée. Mais pourquoi cesserait-elle de se comporter de la sorte, exactemen . En agissant de la sorte, elle obtenait tout ce qu'elle voulait, alors elle ne voyait vraiment aucune raison de changer ou de remettre en cause un comportement qui jusqu'alors lui avait toujours rendu le plus grand service.

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était une chose que Minati adorait chez son père - entre autres nombreuses choses. Quelqu'un d'autre que lui, surtout sa mère, n'aurait pas toléré son discours. En fait, il était très probable que la mère de Minati lui en aurait flanqué une en l'entendant s'exprimer ainsi. Mais ce n'était pas le cas du sultan. Non, à la place, ce dernier s'amusait de son discours, se permettait d'afficher un fin sourire, même. De quoi encourager la déraisonnable et capricieuse attitude de la princesse, cela va sans dire. Pourquoi s'en priverait-elle ? De toute façon, elle estimait ne faire que dire ce que tout le monde devait déjà savoir, d'une façon ou d'une autre. Alors elle traitait sa mère de casse-bonbons si elle le voulait, même si ce n'était pas très gentil. Elle s'était au moins épargné un vocabulaire plus vulgaire, ce qui aurait tout à fait pu arriver.

Bon, en vérité, même si elle trouvait que sa mère était une casseuse d'ambiance, qu'elle était beaucoup trop sérieuse et autoritaire, Minati l'aimait quand même. Elle trouvait Latika beaucoup plus belle et beaucoup plus cool, mais elle aimerait toujours sa maman et son papa plus que tous les autres. Mais qui aime bien chatie bien, il paraît, et la princesse du royaume du bout de l'océan prenait cette maxime un peu trop au sérieux, peut-être.

-Ben quoi ? J'y peux rien si c'est la vérité, moi, répondit Minati d'un ton borné, car elle n'avait absolument pas l'intention de s'excuser des propos qu'elle venait de tenir - en même temps, elle n'avait pas le sentiment que c'étaient là les propos que son père voulait qu'elle tienne.

Elle se doutait que ça lui faisait du bien d'entendre sa fille dire tout haut ce qu'il devait sans doute souvent penser tout bas. Oh, Minati était - peut-être naïvement, elle était très naïve on ne va pas se le cacher - persuadée que ses parents s'aimaient sincèrement, mais on pouvait s'aimer et s'agacer l'un de l'autre malgré tout. La preuve, c'est que Minati adorait sa mère, et pourtant, elle lui donnait constamment envie de lever les yeux au ciel, et leurs nombreuses prises de bec dissimulaient une affection sincère, que rien au monde ne saurait désagréger. Ni Latika ni personne d'autre.

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ui, Minati exagérait, évidemment qu'elle exagérait, c'était son trait de caractère majeur, elle avait toujours tendance à tout amplifier, absolument tout. Elle le faisait parfois exprès, parfois non... Elle n'y réfléchissait pas vraiment. Elle aimait en faire des caisses, surtout parce qu'elle savait que, bien souvent, ça lui permettait de parveni plus facilement à ses fins, que ce soit en s'amusant ou en appitoyant son monde. Bien sûr qu'elle trouvait sa mère casse-pieds.

C'était un fait, elle n'allait pas s'en cacher, mais ce qu'elle cachait plus aisément, en revanche, c'est qu'elle aimait tout de même sincèrement la femme qui l'avait mise au monde. Elle savait qu'elle se montrait sévère et protectrice dans son intérêt, et elle savait qu'elle l'aimait. Ce qui ne l'empêchait pas quoi qu'il en soit de faire sa tête de cochon et de râler. Elle ne cesserait jamais si on lui en donnait l'occasion. Se plaindre, c'était une seconde nature, chez elle, et elle n'avait jamais trouvé oreille plus attentive à ses complaintes que son propre père.

Elle savait que ce dernier n'était pas dupe et ne compatissait pas toujours, mais il faisait du moins preuve de bienveillance à son égard, et même quand il cherchait à le recadrer, comme maintenant, ce n'était jamais dit avec sévérité, mais toujours avec un certain amusement. En cet instant, elle ne se sentait pas rabrouée, elle avait juste le sentiment de partager un moment de complicité avec son père et ces moments valaientde l'or pour elle. Eh oui, Minati avait beau être habituée à sa fortune, à ses caprices toujours exaucés et à dormir dans des drapes de soi, elle les échangerait aisément contre sa complicité avec son père si vraiment elle se devait de faire un choix (mais heureusement, personne ne lui demandait de faire un tel choix, parce que ce serait quand même assez douloureux).

-Ouais ouais, je sais, répondit Minati avec des airs indifférents.

Oui, elle savait que sa mère ne voulait que son bien, mais concrètement, elle avait plus le sentiment que son père y parvenait mieux qu'elle, surtout parce qu'il accomplissait ses désirs immédiats et sans attendre.

-Mais toi aussi tu veux mon bien, et t'es pas sur mon dos constamment.

On ne devait pas faire de préférence entre son papa et sa maman, certes, mais Minati, du haut de ses seize ans, avait tout de même déjà fait son choix.

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